Drôles d’histoires dans les familles ! On se souvient, j’espère, de ce très chouette film de Louis Malle, « Milou en Mai », inhabituel dans sa verve, avec un Michel Piccoli jubilatoire, et une Miou-Miou délicieuse de petitesse prout-prout, escamotant promptement l’émeraude de grand-mère qui vient de « passer » : « elle me l’avait donnée » ! Les règlements de comptes entre frères et soeurs, les rancoeurs enfouies, les jalousies d’enfance se font souvent jour de manière explosive au moment où l’infortuné (ou fortuné) « conjoint survivant » se retrouve seul(e) face et avec les petits n’enfants qui ont droit à la moitié du gâteau, eh oui.
Bref, histoire de statuettes données à deux fillettes de 7 et 8 ans par une vieille dame… statuettes de bronze ma foi assez mignonnes, signées sinon Rodin, Maillol ou Carpeaux, mais d’un nom bien connu, et que les parents, rassurants et en toute clarté, gardent pendant 53 ans au chaud pour leurs filles, qui ne vont pas – erreur fatale – récupérer leur bien lors de leur prise d’indépendance : ces statuettes font tellement bien sur les deux angles du manteau de cheminée ! Elles attendront tranquillement l’heure de l’héritage…
Oui mais, la cadette, qui n’a rien eu – en tout cas pas ce genre de cadeau – va entendre pendant des années la chanson des petites statuettes de ses grandes soeurs, et c’est rageant, et c’est pas supportable, et dès que l’occasion se présentera, soit 53 ans plus tard – excusez du peu – lorsque le cher papa va casser sa pipe en Mai (l’Ascension, « un beau jour pour mourir », aurait dit Geronimo), fera parler le mort et endosser à titre posthume audit papa la décision de « donner » les petites statuettes à la famille de la cadette. Et de joindre le geste à la parole, et hop ! Escamotées les statuettes, plus rien sur le manteau de la cheminée, baisées le grandes soeurs ! On ne contredit pas les volontés d’un mort, fût-ce un indû cadeau.
Evidemment, pensez-vous, ça ne peut pas en rester là : représailles à prévoir, règlement de compte à OK Corral. Les Atrides en comparaison, c’est du sucre d’orge.
Moralité : indû cadeau posthume en Mai, Septembre noir, gnons à prévoir !