Ce matin j’vais z’au marché, pittoresque marché de petit bourg ex-vigneron, aujourd’hui banlieue peinarde : la foule du dimanche matin qui feignardise nonchalante entre les étals, les déballages de fringues toutes plus hideuses les unes que les autres, les poulets cuits t’à la broche prêts-t’à bouffer et les fruizélégumes, comme partout, mais aussi de petits producteurs comme on les aime, qui proposent des radis des salades des petits pois des fèves des carottes des blettes des topinambours de l’huile de noix et tout et tout, nature, plein de goût, sorti de terre la veille, frais de chez frais.
Mais cherchant de la salade, que ce soit chez le commerçant le petit producteur le vendeur à la sauvette : un euro la batavia. Un euro la batavia. Un euro la batavia. Pas UN vendeur ne propose la batavia à 90 centimes, 83 centimes, 87 centimes, 20 centimes (rêvons un peu) ; non ! un euro, point.
Bon, je ne suis pas parano, mais quand même, je me prends à imaginer la paire de mecs, grolles en croco, fume-cigare, lunettes ray-ban et costard rayé clair, passant devant les éventaires sur le coup de 8-9 heures et expliquant gentiment aux divers vendeurs : « oh toi, tu vends la batavia un euro, compris ? sinon, il pourrait t’arriver des bricoles… »
Je sais, c’est peu probable. Mais quand même, un tel alignement… sur de la salade…
Dans le même ordre d’idées : la tête d’ail frais, un euro ; les deux, 1 euro 80. Partout partout !! Aucune exception. Des prix de magasins soviétiques, de plan quinquennal, je vous dis.
Enfin, pour la bonne bouche… sur le marché, un p’tit gars sympa vend du pain « bio de chez bio », label « AB », panneau informatif, petites bouchées à déguster. C’est vrai que son pain a belle allure, et qu’il est bien bon. Nous serions preneurs, et en demandons le prix, ne voyant pas d’étiquette ad hoc.
« Neuf euros le kilo » (gloups ! puis silence assourdissant, l’émotion passée)
– mais votre prix n’est pas affiché, réussis-je à articuler, la voix rauque.
– si, ici » ; et de nous montrer, gravé en relief au coin en bas à droite d’un panneau de bois gravé en relief, à peu près illisible dans le paquet de texte qui y est gravé en relief, la fameuse information : 9 € / kg.
On n’en a pas acheté : même à Paris, chez les boulangers huppés et « bio » du bas de Mouffetard, c’est 4,80 le kilo. Soit environ 2 fois moins cher. Et on en a trouvé effectivement de l’excellent à 4,20 le kilo, chez un boulanger voisin. Issu de farine élevée sous la mère, de première pression à froid, moulée à la louche.
Mais y a des gens qu’on a vu en acheter, du pain bio à 9 euros le kilo. Comme quoi, ce n’est pas cher pour tout le monde.