… derrière leur comptoir attendent le client, moroses mais fiers. »
Cette phrase absconse, je vais avoir ici l’honneur et le plaisir de la commenter pour vous, cher lecteur.
[ Je ne dirai rien de la tuerie de Willenden en Allemagne, où un ado de 17 ans a fait 16 victimes violentes, en l’incluant dans le décompte. Je n’en dirai pas rien, mais juste ceci : comme toujours, ce sont des hommes, je veux dire des mâles, qui font ce genre d’horreurs. Merci aux femmes, ça adoucit un peu ce monde de brutes.]
Donc, muni de mon ordinateur, je parcourais des yeux un blog de libraires, en ce beau matin lumineux de vendredi 13 (on s’en fout, la suite !! ) et je tombe sur un gars qui défend son bifteck, sous le titre « L’éternelle complainte du commerçant« . Ce libraire, donc, discute de la filière du livre, des marges des différents acteurs… ce qui me fait souvenir d’un épisode récent, rue Geoffroy-Saint-Hilaire à Paris (5ème) que je m’en vais vous conter ici, séance tenante.
Nous flânions donc, ma louloute et moi, sur le trottoir de cette rue, et avisons, devant la devanture d’une librairie, un étal de caisses de livres manifestement usagés, bref, de livres d’occasion. Bien rangés, avec le prix au crayon en haut de la page de garde.
Ma compagne et moi fourrageons – nous sommes des fous rageurs – et la voilà qui sort un bouquin ( « Le dieu des petits riens« , de Arundhati Roy), qui visiblement l’intéresse bigrement. Livre en assez bon état, mais pas trop… au prix de 10 euros (*). « Trop cher », dit-elle, et de remettre l’objet dans sa caisse, et de passer son chemin.
« Attends », lui lancé-je, « je vais voir si on peut l’avoir à moins, ça vaut le coup ». Armé du bouquin, j’entre précautionneusement dans la boutique, retenant mon souffle, non par émotion, mais parce que le libraire est en train de fumer un gros cigare, lâchant des nuages de fumée nauséabonde.
– « Ce livre, on peut l’avoir pour 7 euros ? »
(visiblement contrarié, derrière son écran de fumée) – « Je vends des livres, pas des tapis ! »
– « Mais pas de problème, c’est juste une proposition, c’est vous qui décidez, mais à 10 euros vous pouvez le garder. »
Et je sors, je remets le livre en place (je me fais engueuler car ce n’est pas le bon emplacement, paraît-il) et je m’en vais.
De retour chez nous, on a commandé ce livre sur la Toile ; chez « A-notre-zone » ils en avaient d’occasion autour de 5 euros. Il a certes fallu attendre 3 jours, mais on a tenu bon, on s’est occupés comme on a pu 😉
Moralité : il existe un marché du livre d’occasion, et tant mieux : lisons, lisons, c’est bon pour l’intellect. Que la Toile y joue un rôle, tant mieux aussi. Que certains libraires fassent comme si la Toile n’existait pas, tant pis pour eux. Ils ne vendent pas des tapis, soit ! noble objet que le livre. Noble métier que celui de libraire. Mais un livre (que ce soit Les pensées, de Blaise Pascal, ou une quelconque niglerie de chez Arleuquint), c’est aussi – et concrètement – du papier, de la colle, de l’encre, et basta. Et d’occasion, en plus !
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(*) Contrairement aux markéteux débiles qui nous abreuvent de 9,99 ou de 14,99 ou de 39,95, les gens normalement constitués – et même les libraires fumeurs de cigares – proposent des chiffres suffisamment ronds.
Tiens, il a du succès ce libraire rue Geoffreoy Saint Hilaire ! un jeune homme italien de ma connaissance s’est également fait engueuler parce qu’il avait osé toucher les livres dans les caisses, pour regarder les titres…