Un lecteur assidu de mes petits billets me signale un fait qui est passé plutôt inaperçu dans l’actualité actuelle (je sais, « actualité actuelle », c’est un pléonasme ; mais moi j’appelle ça une chouette redondance du discours, doublée d’une allitération) . On sait que l’ONU est un « machin » (merci mon Général) qui vote des résolutions, résolutions suivies d’effet ou pas, c’est selon… par exemple toutes les résolutions critiquant le rôle d’Israël dans le conflit Israélo-Palestinien sont lettres mortes, les USA y mettant systématiquement leur véto. Autant pisser dans un violon ! Dans d’autres cas (Corée du Nord, ex-Yougoslavie) c’est la Russie qui bloque tout. Bref ces résolutions ont des succès variables, c’est clair.
Mais en l’occurrence, aucun pays n’ayant mis son véto, la résolution dont je vous entretiens a été adoptée par 23 voix pour, 13 contre, 11 abstentions. Pour, entre autres : la Russie, la Chine, Cuba, le Pakistan ; contre, entre autres, l’Union européenne, la Suisse… Il s’agit de religion, je cite une des sources, et une autre, légèrement différente :
« Le Conseil [ des droits de l’homme de l’ONU ] a adopté d’autre part une résolution sur la lutte contre la diffamation des religions dans laquelle il se déclare profondément préoccupé par les tentatives visant à associer l’islam avec le terrorisme, la violence et les violations des droits de l’homme.
Il engage instamment les États à prendre des mesures énergiques pour interdire la diffusion d’idées et de documents racistes et xénophobes visant toute religion ou ses fidèles, qui constituent une incitation à la haine, à l’hostilité ou à la violence raciale et religieuse. Il a aussi adopté une résolution portant sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction. »
La deuxième source diffère légèrement, mais surtout nous informe que des tas d’ONG ont fait campagne pour que cette idée de condamner toute « diffamation des religions » soit combattue ; en fait c’est l’OCI – Organisation de la Conférence Islamique – qui ramait pour faire aboutir ce texte. Les ONG, elles, énoncent – ce qui tombe sous le sens – que c’est l’homme qu’il faut protéger, pas les religions.
Ce texte, non contraignant légalement, énonce qu’il est condamnable de diffamer une religion. Diffamer ? du latin di-, privatif, et fames, renommée : diffamer, c’est littéralement « porter mauvaise renommée ». Il est donc répréhensible de nuire à la renommée, à la réputation d’une religion. Donc de la critiquer, ce qui nuit évidemment à sa réputation.
Texte qui nous dit aussi :critiquer une religion, c’est être raciste ou xénophobe ! En somme, religion = nation = race ! Et « raciste », c’est l’injure suprême, le top de l’infamie.
Voilà qui ouvre des horizons, ou plutôt qui les bouche bien. La liberté d’expression n’a qu’à bien se tenir.
Mais en matière de répression de la « diffamation » des religions, rien n’est nouveau sous le soleil : Marx (Karl, pas Groucho), dans un texte intitulé « Critique de la philosophie du Droit de Hegel » – février 1844 – énonçait que « Elle [ la religion ] est l’opium du peuple« . Ce n’est pas de la diffamation, ça ? Allez savoir s’il ne ferait pas aujourd’hui l’objet d’une ferme condamnation de l’ONU, voire d’une fatwah ? en tout cas, la revue où ce texte était publié fut interdite en son temps en Allemagne et en Autriche, et les auteurs poursuivis. On n’a pas beaucoup progressé…