Un fait divers qui fait froid dans le dos : supposez qu’une vague relation de travail, ou un ami, ou un « ami », vous veuille du mal. Que fait-il ? (« il fait quoi ?« , diraient les animateurs de la télé) eh bien, il oublie les bonnes vieilles méthodes des corbeaux, façon Gregory dans la Vologne, ou les dénonciations anonymes, du style « untel héberge des parachutistes Anglais« , et se tourne résolument vers les nouvelles technologies (« les outils modernes, en français »). Il vous envoie un SMS ! oui oui. Simple, efficace. Vous voyez débarquer la maison Poulaga à la vitesse Grand V, garde à vue, lacets et ceinture, interrogatoire soutenu, bas-flanc avec les pochards et les travelos, nuit mémorable, tout le tralala. Et comment ce fait-ce ?
Il se fait que Big Brother, le Grand Frère Télécom, l’Orange, là, bouquine vos SMS, tranquille, il paraît qu’il a le droit… ça vous la coupe, hein ? là, le gars du fait divers dont je vous entretiens, reçoit sur son mobile « Pour faire dérailler un train, t’as une solution ? » question stupide, certes ; blague idiote ; initiative incongrue. D’accord, c’est idiot, surtout si vous êtes embarqué dans une conspiration pour faire dérailler les trains : ce n’est pas le genre de question dont vous débattez par SMS interposés ! C’est manifestement une blague idiote, point barre.
Mais non, le message est lu, ça c’est sûr, adieu la vie privée et le secret de la correspondance, Orange ouvre vos SMS à la vapeur au dessus d’une casserole, et là ça fait TILT ! Ils disposent certainement d’un gros ordinateur qui analyse les mots-clés qui fâchent, et « dérailler un train » y figure. Donc, TILT. De la jugeotte ? de l’humour ? un peu de sang froid ? rien du tout, on convoque le gars qui a reçu le SMS, et garde à vue, interrogatoire soutenu, comme je vous disais.
Remarque au passage, c’est tout faux, leur dictionnaire de mots-clés. Les gars de Tarnac, si c’est eux du moins, c’est d’immobiliser les TGV qu’ils s’occupaient, pas de les faire dérailler, que je sache. Mais bon… ceci dit, dormez craintivement, braves gens, car, pour le procureur cité dans ce fait-divers, c’est une affaire presque banale : « La procédure pénale est la même pour tout le monde, que le risque soit probable ou peu probable ». Pénale, vous avez bien lu. On aurait pu se renseigner discrètement, vous rendre visite, vous poser quelques questions polies – vous n’avez rien fait de mal, vous avez reçu un SMS ! – mais non, le grand jeu, garde à vue, et suspicion de terrorisme, pas moins. Si ce n’est pas une politique d’intimidation, qu’est-ce ?
Priez donc le ciel – ça ne sert à rien, mais ça soutient – que personne ne vous envoie de SMS idiot ou saugrenu.
Renseignements pris, c’est Bouygues qui était le BigBrother aux grandes oreilles… ça ne change rien au constat ! On est lus… écoutés… surveillés.
On voit la même chose depuis longtemps au téléphone… Dans les mots pour se faire repérer, il y aurait : attentat, avion, bombe, président, etc.
Reste plus qu’à converser en navajo ??