Je lis ça dans le tas de rubriques « bagnoles etc » d’un quotidien national connu et largement diffusé – un quotidien bien morose, ce lundi matin : « Aussi spectaculaire à regarder qu’à piloter ou à entendre, la dernière née de la firme de Bologne délivre son lot de sensations. »
Bien évidemment vous allez vous demander de quel engin il peut s’agir ? devinette, donc, mais les dés sont pipés puisqu’on sait déjà qu’il s’agit d’une rubrique « bagnoles etc »… eh oui, la bête a un aspect spectaculaire, s’accompagne d’un bruit remarquable, et se « pilote », ne pas confondre conduite et pilotage. Mais on vous donne une précieuse information : c’est une production de « la firme de Bologne ». Vous pouvez donc aussi sec vous brancher sur l’annuaire des entreprises italiennes, y chercher la firme de Bologne… ah zut, il y en a quelques dizaines de pages ! ce n’est qu’UNE firme de Bologne, charmante bourgade d’environ un million d’habitants. Imprécision, à-peu-près, donc, mais les journaleux sont habitués à ces figures de style – tenez, « la firme de Cupertino », ça veut dire « Apple », la marque à la pomme mordue, c’est pour éviter de se répéter… mais savez-vous combien de firmes ont leur siège social à Cupertino (Californie) ? au moins 6, dont Apple, certes… Apple, UNE firme de Cupertino.
Oui, je pinaille, je sais… bon, la firme de Bologne dont il s’agit ici, allez, je vais vous le dire, c’est Ducati, fabrique de motos (*). D’où le bruit remarquable, vous le comprendrez aisément, il faut qu’un motard aux commandes d’un tel engin fasse se retourner les gens sur son passage sonore, et les morts dans les cimetières, sinon à quoi ça sert qu’il ait acheté ce truc stratosphérique, ce piège à permis ? et puis, la Ducati Diavel, c’est son joli nom – Diavel, le diable, donc, délivre son lot de sensations, c’est du moins le journaleux qui l’écrit.
Et donc, on le délivre, ce lot de sensations ! de quelle prison, de quelle sombre geôle a-t-il fallu l’extraire ? car c’est du pur frangliche, du Rosbif habillé bleu-blanc-rouge, deliver : livrer, fournir. Donc, cette moto fournit son lot de sensations ; ou bien elle le distille, l’offre, le fait goûter ou apprécier, l’apporte, s’en accompagne… chez nous, quand on livre, c’est une livraison ; quand on délivre, c’est une délivrance. Et free delivery, ce n’est pas la délivrance vers la liberté, c’est la livraison gratoche, profitez-en.
Allez, je vous délivre ; c’est assez (dit la baleine), c’est la récré.
Tibert
(*) Notez qu’on trouve aussi, à Bologne, les sièges sociaux de Lamborghini, de Maserati, autres monstres spectaculaires et qui se pilotent.