C’est du Jules Faforgue, ce vers. Tenez, ça s’appelle « Dimanches« , c’est le premier d’une série de 6 poèmes. Le Jules, là, les dimanches et leur vacuité l’ont beaucoup inspiré.
Le ciel pleut sans but, sans que rien l’émeuve,
Il pleut, il pleut, bergère ! sur le fleuve…
Le fleuve a son repos dominical ;
Pas un chaland, en amont, en aval.
Les Vêpres carillonnent sur la ville,
Les berges sont désertes, sans idylles…
Bon, vous lirez le reste, c’est superbe, et Laforgue en général c’est superbe. Tout ça pour vous redire – je l’ai déjà exprimé – que la vacuité du dimanche, c’est à préserver. Le seul jour de la semaine où les bagnoles ne vrombissent pas dès 6 heures, où les camions de livraison foutent la paix, où l’on entend les cloches tinter, où les trottineurs (les joggeurs en franglais ) peuvent se faire suer en survêtement avant d’aller faire la queue à la boulangerie pour se munir de croissants bien au beurre…
Le seul jour de la semaine où les immondes zones de chalandise banlieusardes sont désertes : les hangars cubiques et peinturlurés façon criard des HallesAuxGrolles, des MisterCanapé, des ChefBricolage et leurs parcs à bagnoles enfin vides. Le temps de zoner au fond du lit, d’écouter un bon vieux podcast mis de côté, le temps d’une sieste crapuleuse, de cuisiner un risotto artichauts-crevettes, d’aller aux champignons, ad libitum.
Regardez bien, écoutez bien, goûtez bien l’ennui, la lenteur des dimanches, et puis le spleen du soir pour ponctuer tout ça : ce sera bientôt mort. Il faut pouvoir faire bouillir la casserole après y avoir mis quelque chose dedans, pouvoir consommer, assurer le ravitaillement, se trouver des godasses, acheter de l’enduit à reboucher en sacs de 5 kilos, tout ce qu’on ne peut pas faire les autres jours. Il va falloir travailler aussi le dimanche.
On fera week-end par roulement… moi le dimanche ce sera mardi, toi jeudi, les bagnoles vrombiront 7 jours sur 7, il n’y aura de parcs à voitures déserts que la nuit – et encore… ! – et on se verra… je sais pas, moi, peut-être en nocturne chez Carrouf’, nous croiserons poétiquement nos caddies au rayon Fruits-et-légumes, qui sait ?
Tibert