Mais heureusement, l’avenir s’annonce plus prometteur, car « demain, on rase gratis ! » : cette citation est l’équivalent textuel de la fameuse image de l’âne tirant une cariole, à la poursuite de la carotte que le conducteur de ladite cariole a suspendue devant ses yeux au moyen d’un dispositif ad hoc, généralement une ficelle attachée au bout d’un bâton – mais ce pourrait ête un filin déroulé depuis un hélicoptère, ce qui en ferait la carotte la plus chère de toute l’histoire de l’aviation.
J’écris ça, et je réalise que « demain on rase gratis » est une carotte pour mâles, voyez-vous : à part la femme à barbe, quelle individue de la gente féminine pourrait trouver quelque intérêt à se faire raser gratos ? hein ? encore une preuve du sexisme intolérable des coiffeurs et barbiers de tous poils. Ou plutôt de tout poil, plus correct syntaxiquement, sinon orthographiquement.
Et tiens, à propos de syntaxe correcte, je visionnais récemment, il y a peu, ce n’est pas vieux, une video mise en ligne par Libé-sur-Toile ( il reste encore quelques bribes de matière rédactionnelle gratuite, donc consultable sans payer d’abonnement, dépêchez-vous). Tenez, c’est ici.
C’est une espèce de salmigondis de phrases aigres-douces ou carrément agressives, échangées entre « politiques » et badauds, journalistes, militants etc. Certains appellent ça un bestoffe, terme bourratif et indigeste pour signifier morceaux choisis, florilège, sélection, extraits juteux… on y voit et entend donc messieurs ou mesdames Mélenchon, Hollande, Copé, Le Pen, Sarkozy… se faire apostropher, et répondre. Et j’ai des doutes concernant le dialogue tendu entre madame Le Pen et une journaleuse, laquelle selon toute apparence la traite de « raciste ». Madame Le Pen répond sèchement, menaçante : « raciste ? vous pouvez le répéter une deuxième fois ? »
Voilà : si la journaleuse a dit 2 fois « raciste« , ou à la rigueur bégayé, madame Le Pen a bon : il s’agit bien de « répéter une deuxième fois« . En revanche, si l’apostropheuse a dit une seule fois « raciste » – ce qui, à écouter la bande sonore, n’est pas discernable – madame Le Pen a syntaxiquement tort : elle aurait dû répondre « vous pouvez le dire une deuxième fois ? » ou, mieux et plus bref – bref, moins long – « vous pouvez le répéter ? » , et là, là, d’accord, j’opinerais du bonnet, j’approuverais – syntaxiquement, s’entend, mon propos se borne à cela.
Vous voyez comme ça va la vie ? la dérive de la pensée ? on est là à s’exciter sur une hypothétique gratuité des prestations des barbiers pour la journée de demain, on évitera donc de se raser aujourd’hui pour pouvoir bénéficier pleinement de cette offre promettteuse, et l’on finit par se demander si une journaleuse – de gauche, forcément de gauche, c’est quasi pléonasmique – a traité madame Le Pen de « raciste » une seule fois, ou deux, pour enfoncer le clou. Des fois qu’on aurait mal entendu.
Tibert, perplexe