Aujourd’hui j’ai d’abord, faute d’inspiration, décidé de tartiner sur le paradoxe-bateau, le pont-aux-ânes de la logique : le syllogisme façon « Aujourd’hui je n’écris rien« . Ce qu’en écrivant je n’écris pas rien, j’écris bel et bien quelque chose, etc, vous connaissez. L’astuce c’est qu’il y a là-derrière un accord tacite entre vous, lecteur-lectrice estimé(e) et moi l’écriveur. Cet accord que je vous impose, tant pis pour vous, c’est que momentanément, c’est en quelque sorte une brève ouverture, j’ai le droit d’exprimer – en peu de mots, sinon ça ne vaut pas – que je me refuse à l’exercice qu’on attend de moi. J’annonce la couleur, même en l’absence de couleur. Tenez : « Je me tais« … comment voulez-vous que je vous signifie que je me tais, si je me tais ? Vous suivez ? disant cela je ne me tais pas, mais pour mieux me taire ensuite, et vous m’en serez reconnaissants, ça commence à faire long.
C’est kif-kif les pages où l’on trouve écrit « cette page est laissée blanche« , et justement elle ne l’est pas, à cause de ce texte idiot, ou « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien« . Autre illustration de ce syllogisme apparent : le célébrissime constat que la mesure fausse la mesure (en mécanique quantique, notamment, mais aussi en sciences sociales). C’est-à-dire que les instruments de mesure perturbent et faussent les relevés. C’est donc en s’abstenant de mesurer qu’on obtient les mesures les plus justes.
C’est sur ce dernier principe qu’est basée la politique française sur les « statistiques ethniques ». D’aucuns, essentiellement des tenants de La Bonne Pensée façon MRAP, Libé… s’effraient à l’idée de voir ainsi décomptés anonymement, mais comptés tout de même, les Asiatiques comme des Asiatiques, les Noirs comme des Noirs, les chats comme des chats, etc… : ce n’est pas humaniste, pas charitable. Monsieur Hollande ne dit pas autre chose : non aux statistiques ethniques ! mais sa logique est autre : ce n’est pas La Bonne Pensée qui guide ses propos, c’est » y a qu’à regarder », en d’autres termes il essaye de nous fourguer en douce la classique démonstration de maths que nous avons tous faite au moins une fois : « il est évident que » (la droite (AB) est perpendiculaire au côté NM du triangle NMP).
Et ça marche ? euh… tenez, les récurrents projets d’introduire de la mixité sociale dans les quartiers… vous jugez (sans chiffres, donc au doigt mouillé) qu’un quartier est trop dense en Maghrébins ? vous allez tenter d’y introduire des Asiatiques, des Indo-Européens, des… combien ? aucune idée, vous n’avez pas de statistiques. Autre serpent de mer, l’ascenseur social : il fonctionne ou il rouille ? voyons voir… combien de descendants d’immigrés ont atteint l’enseignement supérieur ? hmmm… un certain nombre ? là c’est sûr on a du solide pour avancer !
Voyez-vous, il me vient à l’esprit, entendant Normal-Premier traiter de la non-statistique ethnique comme science sociale, le sketch alcoolisé des regrettés Dac-et-Blanche : le Sarabindranath Duval est assis en tailleur avec son turban, etc… et on lui demande un truc archi-pointu, énoncer le numéro du permis de conduire de la dame, là, au 3ème rang…
« Vous pouvez le dire ?
– je peux le dire !
– Vraiment vous pouvez le dire ?
– Oui !
– Il peut le dire ! » (triomphal, applaudissement nourris).
Tibert
Peut-être retrouverait-on ici la dichotomie pascalienne entre les « littéraires », classiquement à gauche et hostiles aux chiffres – bien que Brasillach, Céline, Aron aient été des « littéraires » – et les scientifiques, pour qui le romantisme des idées de gauche fait un peu écran de fumée, manque de sérieux. Les chiffres n’aiment pas le pifomètre, et réciproquement. Refuser des statistiques ethniques, c’est un comportement d’autruche camouflé derrière des arguments humanistes vaseux.
Eh bien vous avez l’air de vous ranger du côté de l' »esprit de géométrie », si je vous suis… notez tout de même qu’il y a des matheux de gauche, sinon ce serait louche !