(Les peines pleuvent 😉 sur les malheureux passants innocents qui se sont injustement fait appréhender et rudoyer par des policiers brutaux, alors qu’ils admiraient, en minéralogistes avertis, et gilet fluo sur le dos pour être vus des bagnoles absentes, la rectitude des arêtes et la finesse de grain de petits cubes de pierre d’environ 10 cm de côté trouvés sur le sol alors qu’ils flânaient Place de l’Etoile. C’est une erreur, monsieur le juge. Profil bas, humilité, les slogans dans les chaussettes. Tout ça est arrivé à l’insu de leur plein gré, selon la formule consacrée.)
Mais passons à autre chose : je me dilate chaque fois la rate à ces guignolades des journaux télé, qui nous donnent à voir et entendre les reportages in situ des envoyés spéciaux. Le paradigme, c’est Gilles Dugenou en direct de l’Elysée (ou du palais Trucmuche, etc) : cadré plan américain avec le décor bien visible derrière, micro tourné pour qu’on ne confonde surtout pas RFM et BTL, le sieur Dugenou (on l’appelle « Gilles« , c’est plus direct – c’est du direct, d’ailleurs) est interrogé : « Alors Gilles, la réunion des Goûters Vespéraux de la Chancellerie est sur le point de se terminer, vous en augurez des décisions décisives à son issue… » – « Oui… tout à fait Patrick, je me trouve ici gnagnagna…« . Le truc, c’est que la « question » posée par le type qui parade sur le plateau du JT n’est jamais une question : c’est une question-réponse. Celle ou celui qui, micro en main devant la webcam et le projo, se les pèle et abrite son micro sous un riflard sur fond de Faubourg Saint-Honoré, ne peut qu’opiner avant d’enchaîner ; on lui a dicté son « oui ». D’ailleurs dans 95 % des cas le premier mot est « oui« . Variantes : tout à fait, absolument, effectivement, etc. En résumé, eh ouais c’est bien ça, pfffft, à quoi ça sert que je fasse le guignol ici alors que la conférence de rédaction a déjà décidé des réponses ?
Chez moi on fait des paris, devant le poste : sera-ce « oui« , « effectivement« , « absolument » ou « tout à fait » ? c’est comme lorsque – séquence nostalgie – dans mes années en culottes courtes, voyageant en bagnole dans la 11-Légère du paternel, on pariait, pour passer le temps et l’envie de gerber, sur la marque de la prochaine voiture qu’on croiserait ( elles étaient nettement moins nombreuses que de nos jours). Quand c’était une Facel-Vega ou une Hotchkiss cabriolet (« … Ah non mais pas du tout Patrick, ce n’est pas comme ça que ça se passe…« ) on en avait pour des heures à s’esbaudir. Mais c’était vachement rare.
Tibert
… Ah Facel-Véga et sa « Facellia III », carrosserie entièrement formée à la main ! Je vais vous raconter une connerie dont 50 ans après, je ne suis toujours pas remis : étant élève en archi à la (nouvelle) école des Bozarts de Lille, j’avais un condisciple saisi par le démon du jeu et qui fréquentait assidument des boîtes clandestines belges sur le littoral… Papa, gros industriel de la bière (les brasseries Duyck existent d’ailleurs toujours…), n’était pas fauché et avait offert, pour son 20ème anniversaire, un cabriolet Facellia III (ou IV ? non me riccordo più…) à son fiston. Ben oui : le Nord, c’était comme ça, à l’époque. Faut dire que c’était un an avant mai 68…
Et voilà pas que cet imbécile se fait ratiboiser jusqu’au trognon dans une officine louche d’Ostende. Sauf qu’il avait perdu beaucoup plus que ce dont il disposait sur le moment. Et on ne plaisantait pas avec Odette Dejeu – une nana pas facile-facile – en ces temps lointains.
Or, il se trouve par ailleurs qu’étudiant, j’avais déjà une petite réputation comme architecte d’intérieur/décorateur et que quelques boutiquiers de la rue Esquermoise* faisait assez souvent appel à moi pour des travaux et aménagements divers…
Pour tout dire simplement, j’avais du pognon.
Et ça se savait.
Donc, une bonne âme lui ayant signalé la chose, le voilà qui m’aborde un soir en « académie »** pour me demander humblement… si je ne pouvais pas le dépanner, le temps qu’il trouve le fric. En garantie, il me laissait… sa Facellia avec la carte grise !
Ben vous savez pas quoi ? J’avais d’autres projets en vue, et J’AI REFUSE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je sais qu’il n’a jamais pu rembourser par la suite et a dû céder la bagnole pour une misère à un intermédiaire douteux, faute de quoi il était proscrit à jamais des salles de jeu pas officielles.
Des fois, lors de mes insomnies, j’en rêve encore. Ca vaudrait quoi une Facellia IV aujourd’hui ?
Je préfère pas y penser.
Ahhlàlà, ce qu’on peut être con, des fois…
T.O.
(*) A l’époque, une blague d’une goût douteux courait à Lille : – « Quelle est la différence entre la rue Esquermoise et le canal de Suez (on était juste après la « Guerre des 6 jours »…) ?
– Ben le canal de Suez, y’a des juifs que d’un côté…
Aujourd’hui, on aurait une pleine panière de procès pour antisémitisme sur les bras pour moins que ça !
(**) « Académie », c’était le dessin de nu. Comme c’était ouvert au public, les cours avaient lieu de 20 à 22h, pour les ceusses qui bossaient tout comme pour nous, élèves réguliers de l’école. Les prolos du fusain, kwâââh… je me demande si ça existe encore, ce genre d’activité culturelle ouverte à tous ?
Excellente, la blague sur la rue des Rosiers. Je tâcherai de m’en souvenir pour de bons mots lors de soirées un peu politiquement incorrectes – « off the records », bien n’entendu.
Je transmets à ma « collaboratrice » ! par discrétion j’efface votre message, qui est totalement « hors sujet » dans ce blog.