L’ordinateur et ses remarquables progrès ont bouleversé le paysage de cette planète : la Toile, la bouffe – enfin, de quoi se nourrir, hein, pas la délicieuse blanquette de mémé ! – commandée « en ligne » sur un coin de canapé, les réseaux « sociaux » qui permettent à Akemi Otsuko, à Osaka, Japon, ainsi qu’à des palanquées d’autres, de savoir quasi instantanément que Cécile Dugenou, de Trouvert-sur-Yvette, a pris son quatre-cent-vingt-septième selfie, selfie inutile comme presque tous les autres mais qui va la suivre pendant toute sa vie, si personne de sensé ne prend l’initiative de faire un peu de ménage.
Et pus les vaches modernes, écornées et branchées, les moutons… passent sous un portique avec leur petite pupuce-radio enfouie dans le lobe de l’oreille, et ça peut déclencher à la sono de l’étable le Divertimento en La majeur K 327 si la Noiraude apprécie Mozart et que ça favorise sa lactation, ou l’arrivée d’une charge de minéraux dosés pile-poil dans la mangeoire… bref on sait à peu près tout faire automatiquement. Il suffit d’imaginer, on n’a plus de limites, ou guère : le fric, essentiellement.
Et l’on pourra très bientôt se prendre en selfie-vidéo – avec cet appendice naturel, plat et rectangulaire, l’incontournable mobile – et refiler le fichier à l’Administration (*) : la signature numérique de notre visage ainsi définie sera notre nouvelle Carte d’Identité. Plus besoin de papiers, ni même de puce dans le lobe de l’oreille : juste notre bonne bouille. Extrait de l’article cité plus haut sur le futur système AliceM : « (…) scanner la puce de son passeport biométrique à l’aide de son téléphone et prendre une vidéo de soi pour créer son compte et pouvoir accéder à des services administratifs en ligne… ». Accéder à des services en ligne, administratifs… ou pas ! AliceM permettra aussi de nous pister chaque fois que nous passerons sous une caméra de reconnaissance faciale, et il va y en avoir des tas partout.
Bref à défaut de casquette bas sur le front, de fausse moustache, de persil dans les narines, nous ne pourrons plus faire un pas dehors sans que ça se sache là où ça peut servir.
Remarquez, c’est déjà un peu comme ça : notre promenade nous fait longer la devanture du kebab « Au Bosse fort » (**) ? Sur votre mobile et dans les cinq minutes, Gougueule-qui-sait-tout va vous proposer de communiquer à vos proches et vos confrères ou consoeurs en tripotage compulsif de smartphone, votre très utile appréciation sur ce boui-boui. A vous de l’envoyer se faire cuire un oeuf : et si on pouvait nous lâcher la grappe ?
Tibert
(*) Sans oublier de cocher, sinon ça vaut pas, la case « j’ai lu et j’accepte les conditions générales gnagnagna… » – sans les avoir lues, bien entendu : personne ne les lit.
(**) En hommage à madame la Porte-parole de l’Elysée, qui apprécie tout particulièrement cette tambouille bien de chez nous.
Bon, me v’là de reuuhtôôôûûûrr après une lettre d’engueulade de trois pages (!) à mon FAI, qui m’avait coupé la connexion pour d’obscures raisons de dépassement de forfait qui n’étaient pas mon fait ! enfin… presque pas. Ils m’ont reconnecté « gracieusement » et ce « gracieusement » mériterait aussi à lui seul trois pages de commentaire aussi, mais soyons magnanimes pour une fois : ça ne peut pas faire de mal.
Toujours à propos des exploits de l’informatique, j’en ai trouvé une que je ne connaissais pas – ni vous non plus, apparemment ! – : le traducteur automatique de poche… en 40 langues différentes !
Un échantillon :
Comment utiliser le traducteur MUAMA Enence :
En seulement 2 étapes :
1. Ouvrez l’application Traducteur MUAMA Enence (Android et iOS) et connectez-la à l’appareil.
2. Commencez à communiquer dans n’importe quelle langue, tout de suite.
… Je ne vous ai pas mis le lien direct parce qu’il y en a pour une demi page de formules cabalistiques et que je sens que ça va indisposer Tibuche. Déjà qu’avec les canicules…
Mais bref, c’est facile à trouver : allez-y voir, et surtout l’argumentaire de vente ! un modèle du genre ; pour faire court, apprendre une langue c’est difficile, complètement inutile, ça ne marche pas et ça coûte bonbon. Autrement dit, « …Vous êtes cons, restez-le et surtout n’essayez pas de changer ! c’est très fatigant. Et ça ne sert à rien pour le shopping quotidien. »
Bon, depuis qu’ils ont pris sur la tronche « Big Boy » largué des soutes d’Enola Gay (1945), je trouve que les Japonais – pisque ce sont eux les inventeurs de ce bidule débile – grésillent un peu trop souvent du trolley. Et vous savez pas le pire du pire ??? pourtant, c’est écrit en toute lettre dans le mode d’emploi : Pour obtenir la traduction en n’importe quelle langue (Dont le Tagalog – de la Redoute ? – cher à mon cœur…) il faut d’abord ENREGISTRER ce que vous avez à dégoiser ! Ce qui, pour qui sait lire entre les lignes, signifie que TOUT ce que vous direz, en swahili, en moldo-batave ou en schachlik mercerisé sera définitivement gravé pour l’éternité quelque part sur les disques durs d’un gougeul quelconque. Et comme on avertissait jadis dans les polars du temps de Sir Arthur : « … Je dois vous rappeler que tout ce que vous direz à partir de ce moment pourra être utilisé contre vous… ».
Quant à la qualité des « traductions », ça me laisse rêveur. L’un des humains les plus intelligents que j’aie jamais rencontrés était l’ex-Patriarche du patriarcat d’Antioche, Sa Béatitude Ignace IV, un Syrien. Il avouait humblement parler couramment pas moins de 11 (ONZE) langues et ajoutait, avec un petit sourire « Vous savez, les plus difficiles à apprendre, ce sont les dix premières… »
Génial.
Maintenant, sans risquer le moins du monde une entorse à l’encéphale ou une méningite aigüe, vous causerez couramment mandarin en moins de dix secondes… mais au prix d’un espion dans votre poche 24h/24, et ce DE VOTRE PLEIN GRÉ. Même la Guépéou ou Goëbels auraient pas osé le rêver ! Je ne vais pas conclure en vous assénant une fois de plus ce que je pense de notre merveilleuse époque, mais… c’est pas l’envie qui manque !
T.O.
J’ai droit moi aussi à cette pub insistante pour un traducteur électronique de poche. Figurez-vous que… je n’ai encore jamais donné suite, et à vous lire je sens que je vais persister.