J’écrivais dans mon dernier billet « Les statistiques disent ce qu’on leur fait dire » : j’ajoute qu’il en est de même pour les citations. Tenez, on lance un film : campagne de pub dans la presse, assaisonnée comme il se doit de quelques bonnes critiques… « Indispensable (Téléramoche)… Grandiose (L’Officieux)… Un petit bijou (Les Unroc)« . Reprenons sans charcutage les phrases d’où sont extraits ces dithyrambes : « Un produit bâclé, vraiment pas indispensable »… « c’est d’une grandiose cornichonnerie »… « on est face, là, à un petit bijou de niaiserie »… malhonnête, évidemment, tripatouillage, mais faut ce qu’il faut, pas vrai ?
Dans le même esprit, une amie me signale – elle a apprécié l’humour – un article ironique du NouvelObs brocardant Macronious, qui au cours d’une interviouve au Monde le 30 janvier (*), aurait sorti cette perle : « Je n’aime pas lire les mauvais romans« . Le NouvelObs en fait une tartine bien beurrée d’ironie et de second degré, « contrairement à vous, Macron gnagnagna…« . Contrairement à vous, c’est évidemment le journaleux qui l’ajoute, ce qui change foutrement le sens de la phrase, qui du coup exprime du mépris, de la morgue. Sinon ça passe pour un truisme grossier, une superbe lapalissade, plus plate que la Beauce en hiver. Qui, grands dieux, aime lire de mauvais romans ? (**) . Mais tout ça est tronqué, sorti du contexte, le journaleux se payant ainsi à bon compte la tête de Manu-les-Rouflaquettes. Je vous soumets un autre scénario, respectant la substance de la phrase incriminée :
– Monsieur le Président, que pensez-vous du dernier bouquin de François Ruffin : « Ce pays que tu ne connais pas » ? ( de François Hollande : « Les leçons du pouvoir », etc etc…)
– Je n’aime pas lire les mauvais romans…
Tibert
(*) Pas trouvé trace du texte original de cette causerie. On se perd en conjectures, dans les milieux bien introduits…
(**) Il arrive que, nonobstant sa répugnance, on doive s’obliger à lire : un traducteur pour gagner sa croûte, un étudiant pour une thèse, un relecteur pour traquer les coquilles… le boulot, quoi.
… Notre cher Maqueron, littérateur (et à travers…) ? Ben, on en apprend tous les jours ! Surtout que, si j’ai bien lu, il aurait épousé sa muse ???
Bon, encore une fois no comment. Je suis bien plus affecté par la disparition de Pierre Guyotat – dont on n’a pas beaucoup parlé ! – qui, avec « Tombeau pour 500.000 soldats » et surtout « Eden, Eden, Eden »* m’a précipité en littérature, aux côtés de Claude Simon… Qu’ils en soient à jamais remerciés !
T.O.
(*) Il me souvient, sur le conseil d’un copain prof de français, avoir été réclamer « Eden » – interdit à l’affichage ; autant dire censuré… – dans une grande librairie de Strasbourg dont j’étais un habitué. On me l’avait refilé « sous le manteau » avec un regard complice, comme un ouvrage de pornographie interdit, et c’est vrai qu’il y avait de ça. Mais quel choc !
Et dire qu’aujourd’hui, ce sont Musso, Nothomb et autres Levy qui tiennent le haut du box-office avec leurs navets insipides… De la littérature sous préservatif.
La France, ta cul-ture fout le camp !
T.O. (bis)
Je vais vous dire : je suis comme Macroniouch’, moi non plus je n’aime pas lire les mauvais romans. Le problème c’est que les mauvais des uns sont les bons des autres : laissons donc Nos-Tombes, Mousso and Co à celles-z-et ceux qui apprécient. Il faut bien que les mauvais romanciers gagnent leur croûte eux aussi ; et puis chacun fait son miel des fleurs qui lui bottent (bottent de fleurs…).
La question n’est pas là ; si à la troisième page d’un « mauvais » roman vous n’êtes pas capable de vous faire une idée précise de la qualité de ce qui va suivre, tant pis pour votre tronche ; allez jusqu’au bout, vous l’aurez bien mérité ! Il me souvient – je devais avoir douze ou treize ans – avoir balancé à la poubelle un bouquin d’un certain Guy Des Cars tellement je l’avais trouvé mauvais ! Quand on sait le respect que j’ai pour la chose imprimée, sinon l’objet en soi, mea culpa : je n’ai jamais réitéré, quelle que fût la médiocrité de l’oeuvre. Ceci posé, Monsieur des Cars (et après lui son fils…) ne s’est jamais gêné pour réitérer, lui, et d’innombrables fois, en obtenant à chaque fois des tirages pour le moins enviables. Un autre scribouillard bien oublié aujourd’hui, Pierre Benoît, atteignait les mêmes records avec une recette efficace : dans ses bouquins, l’intrigue se déroule à chaque fois suivant le même plan éprouvé ; par exemple, l’aventure amoureuse se noue TOUJOURS à la même page, le dénouement itou, etc. etc., de « L’Atlantide » au « Déjeuner de Sousceyrac » : c’est mon père, grand amateur de Benoît, qui avait découvert la chose et en riait volontiers…
La question reste donc, vaut-il mieux lire des navets que de ne rien lire du tout ? Vous avez deux heures ; copies format vingt-et-un/vingt-sept et pas plus de six pages ! (C’est mon regretté prof de philo de terminales à Van der Meersch, Jacques Lumalé, qui avait imposé cette pagination maximale aux « oeuvres » de ses élèves. À force d’avoir à se taper de lourdingues romans-fleuves complètement nuls, il avait inventé une nouvelle technique de correction : il jetait les copies par la fenêtre de son appartement du troisième étage d’un HLM ; c’est celle qui volait le plus loin qui avait la meilleure note !)
À propos de note(s) encore, il avait eu, parmi ses élèves, Bernard Arnault, l’homme aujourd’hui le plus riche d’Europe – et peut-être aussi du monde… -, dans la même classe que mon jeune frangin.
Lequel (frangin) confesse ne plus se souvenir du tout du niveau particulier de son condisciple, particulièrement en philo. Il est vrai que je connais peu de philosophes importants qui soient parallèlement devenus milliardaires. La philo et le pognon seraient-ils incompatibles ? Autre beau sujet de dissert…
Allez, @ +, je retourne à Guyotat.
T.O.