Ce n’est rien… ça va s’arranger…

Il y aurait un décompte assez intéressant à tenir, des morts qu’on aurait pu éviter si on avait eu un minimum de réactivité et d’efficacité dans le traitement des alertes. Je ne traite pas de la route, où les radars sont devenus l’alpha et l’omega d’une prévention-répression qui mise tout sur le contrôle de vitesse (*) ; non, je parle des violences domestiques, des enfants maltraités, des « radicalisés », des fêlés agressifs. On est dans un pays où, à la suite d’un signalement d’enfant maltraité, l’assistante sociale, si elle se déplace, prend  rendez-vous avec les parents pour aller vérifier ! des fois qu’ils oublieraient de mettre du fond de teint sur les bosses du gosse… où les plaintes de femmes battues gonflent en vain les mains-courantes de commissariats : « Allons, il va se calmer… prévenez-nous si ça recommence », et autres bonnes paroles de compassion, en d’autres termes « on a d’autres chats à fouetter ». Attendez donc une bonne fracture du nez avant de nous déranger, zut quoi.

Dans ce pays, un fou dangereux peut flinguer trois gendarmes comme à la foire : il a un fusil de guerre ! à visée laser et silencieux, mazette ! et il s’entraîne, c’est un « tireur sportif », drôle de sport. Les malheureux pandores envoyés au casse-pipe ne savent pas, allant secourir une femme réfugiée sur le toit d’une baraque en feu, que c’est une situation absolument a-normale ? que son compagnon est un flingueur aguerri, qu’il a des armes de guerre, qu’il a été signalé de nombreuses fois comme violent ? eh non, ils ne sont pas au courant, ils vont juste raisonner un mari un peu bourré et agressif. A quoi bon l’instantanéité des échanges de données ? A quoi sert un signalement, si personne ne traite le signal ? à remplir les mains-courantes ; ça fait des pages d’écriture, pour les statistiques annuelles (les statistiques, c’est toujours après, donc trop tard). Et puis, on va vous faire un papier, pour l’assurance.

Tibert

PS – Ce dimanche 27 décembre 2020, la ministre madame Schiappa déclare qu’à son ministère, après recherches, il n’existe aucune trace d’une missive de l’ex-épouse du forcené. C’est parole contre parole… un « classement vertical » de cette missive, peut-être ?  un fonctionnaire qui aurait pris ses congés de maladie ? une pure invention ? allez savoir… Ce qui est rigolo – enfin, pas vraiment – c’est que ça fonctionne probablement comme ça : la victime, lasse de déposer des mains-courantes en pure perte, s’adresse au ministère : au ministère, on l’encourage à déposer une main-courante…

(*) ça fait des mois, des années que je roule sans jamais avoir vu pointer un képi à l’horizon, ni le moindre alcoomètre à souffler dedans. Veine ? hasard heureux ? non, c’est que la maréchaussée a largement désinvesti ce terrain. On est plus peinards, certes, on peut oublier un clignotant (d’aucuns ignorent même à quoi ça sert) ; mais les poivrots, les SMS au volant et les furieux qui vous collent au cul en klaxonnant ont route ouverte.

2 thoughts on “Ce n’est rien… ça va s’arranger…”

  1. Vous oubliez un autre aspect typiquement français du problème. C’est la notion de délation : très vilain, caca, pas touche !
    Ainsi ai-je prévenu les services sociaux après avoir perçu une grave maltraitance d’enfants dans le hameau où je venais de m’installer. Il ne s’agissait pas d’enfants battus. Ils étaient traités avec le même amour que l’on porte à des animaux domestiques, mais traités de la même gentille façon, abandonnés à la rue, livrés à eux-mêmes et aux bons soins des habitants.
    Résultats : un assistante sociale a pris rendez-vous avec la mère. Elle a enquêté auprès de l’école. Elle a donné des conseils et de l’argent. Tout le hameau m’a tenue à l’écart, j’étais devenue quelqu’un de dangereux. « On ne s’occupe pas des affaires des autres » m’a-t-on dit.
    Aujourd’hui ces enfants sont devenus de jeunes adultes ou adolescents illettrés. Il est bien possible que l’aînée se prostitue, et la petite dernière délire avec des hallucinations terrifiantes.
    Ce que j’ai fait n’a servi à rien d’autre qu’à me couvrir d’ostracisme. Pourtant je ne regrette pas. Je suis prête à recommencer.
    En France, les services sociaux ne sont mis en cause qu’en cas de mort physique des enfants, et encore. Quant aux mutilations psychologiques, les plus fréquentes, elles ne font jamais l’objet de mises en cause judiciaires.

    1. Certes, la délation c’est très-très vilain, d’ailleurs il y a 80 ans celui qui « dénonçait » (les Juifs, le marché noir, les résistants, les planqués du STO…) était un salaud. On pourrait en finir avec ces références lointaines et commodes, et admettre enfin que la sécurité des citoyens passe par un minimum d’informations pertinentes et utiles à qui de droit ! On crève de cette omerta malsaine. Qui pourrait traiter de « balance » une mère de famille qui dénoncerait des dealers mettant sa cité et ses gosses en coupe réglée ? ce serait bien au contraire courageux et louable. Encore faudrait-il que les flics et la Justice aient à coeur (et soient tenus) de protéger son anonymat, pour d’évidentes raisons.

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