Pavés de bonnes intentions

( Ce titre de France-Info, ce matin : « Culture : le pass sanitaire exigé pour rentrer »  (sous-entendu, dans les musées, cinémas…). Hélas, à propos de culture, il faudrait à nos chers journaleux un passe de logique, de musique – écoutez donc ce pourrrentrer… ! – et de français : pour rentrer, il faut d’abord être sorti. Véhicule indispensable, le français n’en est pas pour autant ménagé ; certains s’essuient les godasses dessus. )

( Et puis tiens, lisant hier un bouquin de Florence Aubenas, je suis tombé sur cette laide formule franglaise : l’ « ADN retrouvé ne matche pas avec celui de …  » (*) . Bien. To match, verbe transitif rosbif = coïncider avec, correspondre à ; donc l’ADN retrouvé ne correspond pas à celui de… ; je sais, c’est mou, ça ne claque pas. C’est une journaliste, donc il faut que ça claque, pas vrai ? match ! paf ! Soit, mais on a la colle, nous ! L’ADN retrouvé ne colle pas avec celui de…. français, clair, court et propre. Allez, Seccotine (**), encore un effort. )

Mais à propos de l’affaire de la boîte israélienne NSO Group, qui a vendu à des états plus ou moins démocratiques mais presque (Azerbaïdjan, Mexique, Maroc, Bahreïn, Arabie Saoudite, Inde…) son logiciel Pegasus, destiné soi-disant à piéger et surveiller les « méchants » , trafiquants, mafieux et autres comploteurs , mais qu’on a en fait pas mal utilisé à espionner des journalistes, des hommes politiques, des opposants : les dirigeants de NSO arguent que leur logiciel partait d’une bonne intention, et a permis de sauver moult vies, grâce à la surveillance des malfaisants. Laissons à NSO la responsabilité de ses vertueuses protestations ! Un couteau, ça sert aussi bien à égorger qu’à émincer les carottes.

Mais revenons à la genèse de Pégase (tiens, le Cheval de Troie s’appelait Pégase ? avec des ailes aux sabots ? ah…). Les créateurs de NSO ont d’abord, je cite,  développé « un logiciel d’identification d’objets dans des images ou des vidéos qui renvoyait ensuite les utilisateurs vers un site de vente en ligne » . Chouette idée, non ? vous photographiez un vieux chausson au bout du rouleau, clic, hop, et en deux-trois secondes A-Ma-Zone ou AbaLili vous sort quatre pages de charentaises rutilantes ! il  reste juste à choisir et acheter. Mieux : pourquoi attendre que vous ayez photographié l’objet et actionné la recherche ? en se branchant discrétos sur la caméra du mobile, on capte, on analyse, on identifie, et on propose ! C’est intrusif ? bof… si peu…

Et tenez, si vous doutez encore… aujourd’hui c’est demain ! madame Gougueule est à l’écoute 7/7, 24/24 sur votre mobile, à moins que vous ne le mettiez en sommeil, et elle avec. Hier ma copine causait à voix normale, modérée, à 2-3 mètres de son cellulaire : cette dame a lancé, sans qu’on lui ait rien demandé : « Je ne comprends pas votre question » . C’est cocasse, c’est drôle ? tant que madame Gougueule ne vous cafte pas à qui de droit…

Tibert

(*) En franglais respectueux des règles grammaticales, ce devrait être « … ne matche pas celui retrouvé… » . Mais là ça devient abscons, voire encore plus court.

(**) Seccotine, célébrissime journaliste, terriblement féminine, et pot-de-colle ! chez Spirou et Fantasio.

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