Persistons à causer d’autres trucs que de la glauquitude ambiante… les bombes… les villes détruites… les réfugiés : je m’en vais vous entretenir de journalisme. Quelque chose de léger, d’abord. Enfin, léger… on enterrait hier un ancien rugbyman argentin de haut niveau, établi au pays Basque, assassiné il y a quelques jours. La presse flemmarde a recopié tel quel le papier de l’AFP : c’est tout cuit, y a pu qu’à, copié-collé, clic-clic, et hop on envoie. Du coup le lamentable niveau littéraire dudit papier se retrouve un peu partout, de Paris-Match au Figaro : « A l’issue d’une cérémonie délivrée en français et en espagnol par un prêtre ami de la famille… » : on a délivré la cérémonie ! la liturgie par porteur à vélo, et bilingue, avec ça ! Quel malfrat la tenait prisonnière, cette cérémonie, ce n’est pas dit. Bref, ça délivre massivement, c’est le couteau suisse (rosbif, en fait) du verbe, équivalent au schtroumpfer des Schtroumpfs : le boulanger vous délivre une baguette, untel délivre son avis sur le temps qu’il fait, le curé délivre sa messe – si encore il se contentait de la livrer ! Certains, cependant, ont entrepris de traduire ce galimatias en langage correct, tenez, le Progrès : « La cérémonie a été célébrée en français et en espagnol par Don Arnaud, un prêtre biarrot… » : eh oui une cérémonie, ça se célèbre… bon point, le Progrès… des efforts…
Et puis des articles qui, sous les mots, disent autre chose que ces mots… à Sevran, dans le 9-3, les flics sont à la poursuite d’une camionnette volée (avec son chargement) quelques instants plus tôt… à un feu rouge, ils interviennent, contrôle… pour des raisons encore non déterminées – l’examen des vidéos des caméras municipales devrait éclairer les circonstances – un des flics tire sur le conducteur. Voilà le cadre ; il y aura enquête, bien sûr, et l’IGPN, la police des polices, devra établir les faits, comme toujours quand ça canarde. Mais Le Parigot y va de son topo :
« En tout cas, l’un des policiers fait feu a priori une seule fois. Le père de famille de 32 ans, grièvement blessé, aurait roulé ensuite quelques centaines de mètres jusqu’à ce que la camionnette qu’il conduisait heurte une voiture en stationnement, près d’un parc où jouaient des enfants. Les pompiers ont prodigué les premiers soins à la victime… » .
Voilà… le conducteur décédé était « connu des services de police » , défavorablement, faut-il vous le préciser ? il conduisait un véhicule volé de frais, on ne sait pas ce qui s’est passé quand les flics sont intervenus, mais on vous a délivré quelques informations : on a tiré sur un père de famille ! (*) juste à côté d’un parc de jeux ! vous vous rendez compte ? et puis, la « victime » …
Tibert
PS – Hier soir au journal télé de FR3, la présentatrice a traité ainsi le sujet, très brièvement : échauffourées à Sevran (images de ces échauffourées) à la suite « de la mort d’un père de famille, tué par un policier » . Et voilà comment on vous informe !
(*) Pablo Escobar, Al Capone, Pol Pot étaient pères de famille. Au fait, comment reconnaît-on un « père de famille » au volant d’une camionnette volée ?
Poutine aussi, il est père de famille, c’est-à-dire : il a au moins une fille, qui – vraiment ! – habite non loin de moi, aux Pays-Bas…
Mais c’est une information « sensible », ça ! Certains pourraient s’en prendre à la « famille Poutine », plutôt qu’à son énorme et luxueux yacht, pour infléchir le cours de cette guerre.