ça fait des lustres qu’on ne se roule plus dans l’herbe des prés à Saint-Germain-des-Prés, du moins à Paris. Les prés ont cédé la place aux immeubles à 13-15.000 euros le mètre carré habitable, et les vaches n’ont plus les moyens. Pas d’herbe donc, sauf celle à Nicot, 10 balles le paquet, et la « Beuh » chère aux bobos du quartier, interdite certes, mais tout le monde sait comment et où s’en procurer : c’est ça la France, cartésienne, pragmatique…
Je lisais hier des réactions sur le burkini, ou burqini, selon l’orthographe : avec un q sans u, ça rappelle la bâche afghane grillagée – devenue obligatoire là-bas (*) sous peine de panpan-cucul, le rêve des salafistes ! – soit celle des bikinis avec un k, ces deux menus bouts de tissu voilant les lieux où le féminin se distingue clairement du masculin. Il est évident qu’au poids de coton-lycra, ledit vêtement cher à monsieur Piolle se rapproche nettement plus de la bâche intégrale que du minimum stratégique : ce mot qui nomme un objet « à nier » est un oxymore à lui tout seul.
Mais, fermons cette parenthèse politiquement suspecte. Autre chose, l’occupante de l’appartement du dessus ayant passé une mauvaise nuit – pipis, chutes d’objets sur le plancher, meubles qu’on traîne, déambulations… j’en ai profité pour mal dormir moi aussi, et dans ma tête, ayant déterminé mentalement, aux alentours de 02 h 30, que 437, nombre pas trop gros pris au hasard, n’était pas premier ( 437 = 19 x 23), je me suis penché (facile, j’étais allongé) sur les Germains et Germaines. J’ai eu une tante Germaine, qui habitait Saint-Hilaire du Harcoüet, dans le 5-0 ; ce qui m’a permis de dériver sur les saints (rien à voir avec les monokinis des piscines grenobloises). Il est d’innombrables références aux saints, en France ; c’est un précieux héritage du passé culturel de ce pays, il faudra du temps pour en effacer les traces tenaces, relooker son Histoire à la sauce Bien-Pensance…
J’ai ainsi fréquenté assidument Saint-Germain des-Fossés, dans le 0-3, du moins sa gare : lieu mythique, néons grésillants et blafards, lumière sautillante au plafond de la salle d’attente, SDF assoupis ronflant sur leurs hardes près des radiateurs, sur les coups de 5 h 30, dans l’espoir du possible mais incertain TER Moulins-Clermont (**) de 6 h 15. Quels fossés ? je l’ignore, on ne les distinguait pas dans l’aube obscure et somnolente. Et puis Saint-Germain-du-Bel-Air, dans le 4-6, où j’ai des ancêtres endormis au cimetière : je préfère celui-là, question de climat, d’ambiance, d’accent, de gastronomie, de… et pas de gare glauque ! Pas de gare du tout, d’ailleurs.
Ceci m’a conduit, tôt ce matin, à découvrir qu’il existe en France environ 96 communes comportant les deux mots « Saint-Germain » dans leur désignation ; dont quatre « Saint-Germain-des-Prés » , dans le 24, le 45, le 49 et le 81. Le numéro complémentaire ? ce sera pour ma prochaine insomnie.
Tibert
(*) Dernières nouvelles, la municipalité de Kaboul statue présentement, pour renvoyer l’ascenseur à Grenoble, sur l’autorisation de la tenue « seins nus » dans les piscines municipales.
(**) Les syndicalistes cheminots de la région Auvergne étant particulièrement dynamiques et revendicatifs pour préserver le Service Public, ledit service public (le TER, en l’occurrence) se trouvait fréquemment supprimé impromptu, et les voyageurs priés de se démerder.
Bonsoir Mr. Tibert.
Les saints bannis ? Mais nous avons un précédent, à l’époque de nos valeureux Sans-culottes où la déesse Raison éclairait les esprits.
C’est en ces termes, déjà S.G.D.G., qu’un ci-devant citoyen s’est entendu interpeller à la mairie de son patelin à l’occasion d’un recensement :
— Bonjour Citoyen, quel est ton nom ?
— Bonjour Citoyen. Je m’appelle Symphorien.
— Non, non ! Il n’y a plus de saints, tu t’appelles Phorien…
Faut voir, les temps sont peut-être venus de renouveler cette expérience prématurée ?
Saint Drôme et Saint Chrétisme auraient eux aussi pu être de la partie. Le « Marquis de Saint-Cyr » fut; lui, proprement dépouillé de son patronyme, y a plus de marquis, plus de saints, plus de sire.
Quant au Français surnommé Tibert, on lui donne du « Mr. » à la mode amerloque…
Très juste M. Tibert !
L’imprégnation sournoise fait son oeuvre, hélas. J’en suis bien contrite !