Des mots, des mots

Il est ces jours-ci beaucoup question d’Alain Delon, notre doyen des monstres sacrés : on a, pour l’occasion, pu entendre sa voix dans « Paroles, paroles » (*) où il donnait la réplique à Dalida. On pourra facilement rapprocher cette chansonnette avec les incantations lénifiantes de madame Borne, succédant aux violences dont nous sortons péniblement. Tenez, elle s’adresse aux maires, du côté de Lisieux, dans le 1-4 : « On est bien conscients de la nécessité de mieux vous protéger. Plus que jamais, nous avons besoin d’unité nationale. » De la langue de bois massif ! En gros, il y a eu un tremblement de terre : on s’époussète, on remet le vase de fleurs d’aplomb, et l’on reprend son tricot ! Mais madame Borne ne fait là, selon moi, que refléter l’irrésolution, l’aveuglement et les convictions béates de Manu-les-Rouflaquettes en matière d’immigration et d’intégration.

Eh non ça ne s’intègre pas, ou plus. Bien au contraire, ça déborde, ça gonfle, ça enfle « à part » , et dans un sentiment croissant de rejet du pays d’accueil, alimenté par de bons propagandistes. Tenez, Le Parigot cite ces deux boucles Telegram (**) : « Emeute Brest chat » , un message d’inspiration islamiste : « « Les gars priorité l’Happy Café on brûle les PD qu’ils crèvent en enfer le Coran » ; et cette autre exhortation, plus politique, genre octobre 1917, Grand-Soir, NPA… : « Écrasons la police, détruisons les infrastructures de l’État et les possessions de la bourgeoisie… » .

Bref, sombre constat, et peu d’espoir que nos Chefs, là-haut, prennent enfin la mesure de la gravité du problème et se décident à « changer de logiciel » , selon la formule bien connue. On minimise ! on édulcore ! et l’on biaise : « il n’y a pas tant que ça de musulmans parmi les émeutiers interpellés ; ce sont surtout des Français » ! ( preuve invoquée : pas mal de de Kevin, de Matheo…). Les musulmans français, ça existe, non ? et en quelle proportion ? chuuut ! il est interdit de se renseigner, les « statistiques ethniques » (***), c’est immoral et moche. C’est d’ailleurs ce que je présume ; à les lire on les trouverait très moches.

Tibert

(*) « Parole, parole » , c’était d’abord un titre italien sorti en 1972, traduction exacte : « Des mots, des mots » : le titre français n’a pas cette force. Dalida prononce d’ailleurs « paroléé, paroléé » , comme en italien, en rrroulant les R.

(**) Messagerie cryptée, d’origine russe, réunissant des groupes d’abonnés ou « boucles » . A propos de russe, on peut facilement imaginer que Poutine se réjouit tout particulièrement de ce qui nous arrive, de même que les Chefs en Iran, Algérie, Turquie…

(***) Il est assez approximatif de lier origines ethniques et religions, c’est « à la louche » , mais toujours plus précis que de faire l’autruche, ou de planquer les résultats.

Dire l’ire

On sait combien les Français – du moins ceux que les médias veulent bien nous montrer – disent assez unanimement « comprendre la colère (mais…) » des djeunes qui cassent, incendient, agressent et pillent ces derniers jours. Eh oui, ils sont « en colère » , voyons ! et donc il semblerait que ça justifie pleinement toute violence : c’est la colère !

De l’autre bord de la Grande Bleue, en Tunisie, se déroulent aussi des actions très dures : les habitants de Sfax manifestent, violemment donc, contre la présence mal perçue, mal supportée – insupportable – des migrants sub-sahariens, fort nombreux. Eh oui, Sfax, tel Calais pour les migrants candidats à l’Angleterre, est un un bon point de départ (un « spot » diraient les surfeurs) pour tenter de naviguer dangereusement et illégalement vers l’Eldorado, l’Italie en l’occurrence. Le Monde titre là-dessus : « Déferlement de haine à Sfax contre les Subsahariens » .

Il se trouve en effet qu’à Sfax un Tunisien a été poignardé à mort par des migrants : de graves heurts s’en sont ensuivis. Je vous invite à lire ce qu’en dit Le Monde : ça ne rigole pas, là-bas. Mais imaginons que je reprenne le chapeau de l’article, que je change quelques détails, et je vous annonce : « Déferlement de haine à Nanterre contre la Police, les commerces et les institutions de la République. Après la mort d’un jeune Français d’origine maghrébine, tué par un policier... » . Haine contre colère, n’est-ce pas ? Le Monde-de-la-Bonne-Pensée écrit « haine » , pas « colère » , et ce n’est pas anodin. La haine, c’est vilain, pas beau, et nous devons comprendre que les Tunisiens de Sfax sont coupables de racisme, de s’en prendre à de braves et malheureux migrants ; à Nanterre en revanche c’est de la (juste) « colère » , qui autorise la casse et le pillage. Un mort (de trop) partout, la balle au centre, mais pas avec les mêmes mots. C’est ça le journalisme, coco !

Quand on brûle des mairies, des écoles, des médiathèques, des bureaux de postes, quand on cherche à tuer des flics, j’incline malgré tout à penser qu’il y a comme de la haine là derrière, ou là dessous, voire carrément à ciel ouvert ; la haine de notre pays, de sa culture, de son histoire, et de son mode de fonctionnement. En tout cas, ça y ressemble bigrement.

Tibert

Quousque tandem ?

J’explicite : « Quousque tandem…  » (voir ce lien wiki) : c’est Cicéron qui engueulait Catilina. Je traduis : « Jusqu’à quand, Catilina, vas-tu abuser de notre patience ? » Eh oui, ça commence à bien faire. Exactement 61 ans que les accords d’Evian ont entériné la fin de la guerre d’Algérie, mais apparemment elle n’est toujours pas finie : de l’autre côté de la Grande Bleue on veut que ça continue, on tire sur le chewing-gum, on s’est trouvé un ennemi inexpiable, et donc on tire sur nous à boulets rouges, tant qu’on peut. Tenez, cet article du Monde… Je suis allé voir sur le site TSA, cité dans cet article (le journal en langue française El Watan n’est, ce matin, pas accessible). Eh bien, c’est selon TSA, la faute à l’extrême-droite, qui dominerait largement notre paysage médiatique ! Nous n’avons pas la même perception, ici…

Et la presse d’Algérie de réclamer que ses ressortissants (Nahel avait donc sans doute la double nationalité) soient protégés chez nous : que fait la police ? on ne les protège pas, c’est scandaleux… de même que les réfugiés Kurdes, qui il y a quelques mois se plaignaient du même abandon. Je vais vous dire, moi aussi, je ne me sens pas en sécurité, et ça ne va pas en s’arrangeant.

Encore faudrait-il, pour que la police protège les djeunes, bi-nationaux ou étrangers, et les considère plus positivement, que la grande majorité d’entre eux se comportent correctement et cessent de se considérer en marge, « à côté » , hors la République – tout en sachant que la jeunesse est impulsive et déborde d’énergie. Nos lois concernent tous les citoyens ; les contrôles sur ces lois sont très insuffisants, voire inexistants – sauf en matière fiscale, là on est vraiment très bons, ça devrait servir de modèle aux autres domaines – mais ça ne dispense pas de les respecter. Enfin… en principe : c’est là du B-A-BA d’instruction civique.

Tibert

PS – Je lis ça dans Le Monde, une entrevue avec un sociologue… intéressante, bien que tronquée au bout de quelques lignes : « Ce n’est pas parce que les jeunes fuient et qu’ils refusent d’obtempérer qu’ils ont pour autant quelque chose à se reprocher » . Eh bien si, justement ! le refus d’obtempérer lui-même est délictueux ! Quand les flics font signe de s’arrêter, on s’arrête ! Après, on a pu faire une conn… bêtise, ou pas, c’est selon.

(*) Le jeune Nahel avait été chopé au moins une première fois pour la même raison en janvier 2022, il avait alors 16 ans ; ça ne mérite pas la mort (**), évidemment. Cette infraction et le jugement subséquent figurent bien à son casier judiciaire, contrairement aux allégations de la presse algérienne. Voir ce lien sur Libé.

(**) Un refus d’obtempérer en voiture : pourquoi ne pas tirer systématiquement dans les pneus ? ça ne tue personne, ça immobilise la bagnole… sauf peut-être si l’interpellé s’entête et part dans le décor. Evidemment, ça exige de bien viser les pneus.

Du calme, allons, du calme !

( Madame S. Rousseau, députée et pétroleuse, estime que les pillages de ces dernières nuits interrogent sur la pauvreté ! eh oui, voler une douzaine de polos Lakoste, des pompes à 300 balles la paire, quelques brassées de mobiles à 600 euros pièce, c’est qu’on en a besoin ! pour le bizness… et pas les moyens de se les payer en temps normal. En temps « pas normal », comprenons cette situation insurrectionnelle et favorable, on peut faire ses courses de « pauvre » , rentrer à la maison sur une moto toute neuve et gratuite, avec par exemple, au gré des magasins visités, 12 Haïphones et autres menus achats. Ce sont donc de pauvres djeunes dans le besoin, des mâles à 95 % (les filles sont consignées à la maison, leur précieux hymen, leur réputation et donc l’honneur des proches étant en cause), mais ça n’interpelle pas madame Rousseau, qui tire pourtant plus vite que son ombre quand elle aperçoit un mâle à l’horizon. Un élu local thouïttait à son endroit : « Mais ferme ta putain de gueule et viens voir dans nos mairies comment ça se passe. Pauvre fille ». Je m’associerais volontiers à cette sobre réaction. )

Mais, autre chose, deux gros syndicats de police se sont fendus d’un manifeste sur les émeutes de ces dernières nuits ; il ne s’est trouvé, à ma connaissance, que Le Monde pour en causer ; ailleurs, c’est silence de plomb. Il y aurait donc eu un premier jet du tract, plutôt véhément, édulcoré ensuite au vu des réactions indignées ici et là. Les mots employés reflètent pourtant, à mon humble avis, la réalité des choses : émeute est bien propret quand des émeutiers tirent au fusil de chasse sur les flics, quand des milliers de mortiers d’artifice sont lancés dans l’intention de blesser, voire plus. Le tract énonce : « C’est donc contre une guerre urbaine que nos collègues luttent pour gagner » ; ma foi ça y ressemble, non ? Mais la gauche politique, notamment les Insoumis, qui boivent ces jours-ci du petit lait – des fois que la mayonnaise du Grand Soir prendrait ! – a tonné contre cet appel à la sédition ! Sédition ? « soulèvement concerté et préparé contre l’autorité établie » ; ou, plus modestement, « mouvement insurrectionnel » . En somme, la sédition des djeunes, on minimise, eh oui que voulez vous ils n’aiment pas les flics, ils sont « en colère » , voyez-vous, et puis ils ont envie de changer de smartphone. Meuuuh oui ça va se calmer, allez ça suffit maintenant ; en face, c’est clairement l’appel à la sédation : halte aux violences policières ! les flics, de la mesure, de la retenue. Du sang- froid, quoi, allez-y mollo…

Tibert