( Maxime Le Forestier (le bien nommé, pour chanter les arbres !) ne m’en voudra pas de lui emprunter ce titre, un poil modifié :
Comme un arbre dans la ville
Je suis né dans le béton
Coincé entre deux maisons…
Mais je vais vous causer de grilles, des grilles Davioud. Qui était monsieur Davioud ? Gabriel D. était un remarquable architecte français du 19 ème (le siècle, pas l’arrondissement), et le concepteur du mobilier urbain que les Parigots croisent tous les jours… vous pourrez apprendre plein de choses utiles sur cet homme en consultant cette page Houèbe. Les grilles de fonte qui ceinturent ou ceinturaient les arbres sur les boulevards, c’est lui. Astucieux dispositifs permettant, par le découpage des cercles concentriques qui le forment, de laisser épaissir le tronc de la bête, et puis de lui garantir un périmètre de pleine terre : de l’eau, de l’air… des mégots, des déchets et des crottes canines – Paris sera toujours Paris.
Mais tout d’abord, j’ai lu ça, et ma foi je vous le soumets, c’est assez confondant : « Faire mourir un arbre centenaire permet de planter un arbrisseau à la place et de le compter dans l’objectif de plantation. C’est ubuesque mais c’est conforme au programme de la mairie socialo-écolo » . Il s’agit de Paris, what else ? de sa mairie, et de sa Cheffe, qui s’est engagée à planter 170.000 arbres en 5 ans (soit 34.000 par an : plus de 100 par jour ouvré). Mais où planter ces arbres ? pas évident du tout, 100 trous d’arbre ça ne se décrète pas comme ça tous les jours sur un coin de table : on a là, dans la citation plus haut, un élément de réponse, désobligeant… mais ce sont sans doute des aigris et des médisants, ceux qui insinuent qu’on déplante Pierre pour planter Paul.
Autre bémol dans le potage, venons-en aux grilles Davioud : deux architectes combatifs, animateurs du mouvement « Aux arbres citoyens ! » , et versés dans le végétal urbain, ont sonné l’alarme, car ces grilles disparaissent, les unes après les autres. Remplacées par des emplâtres (*) de béton-résine poreux censés faire le même boulot. Et pourquoi cet acharnement anti-grilles ? L’article mentionné plus haut – l’amorce d’article, c’est payant – ne le dit pas ; mais je vais vous le dire, moi : en Mai 68, on a proposé de prolonger le boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer ; sous les pavés il y avait déjà la plage. Ces pavés soustraits à leur lit de sable, les cageots des Halles et les grilles Davioud ont servi à construire des barricades, plein de photos l’ont immortalisé. Suite à cet épisode épique, on a donc goudronné les avenues, et envoyé les Halles en banlieue. Ne restaient que les grilles Davioud…
… grilles abondamment utilisées par les Gilets Jaunes, les furieux anti-réforme des retraites, les BlacBlocs, les anars tendance castagne ! Tous ces braves gens font un usage constant et malvenu desdites grilles ; d’aucuns arrivent même à en faire des projectiles. Cerise sur le flan aux pruneaux, ces grilles (et les plaques d’égout, et moult autres accessoires urbains) sont en fonte, qui se négocie autour de 90 euros la tonne, et il est des professions, pas trop licites ni au fait des bons usages, que ça intéresse !
Voilà… si j’étais un arbre dans la ville (Lumière, la ville : la Ville-Lumière !) je n’en mènerais pas large. Coincé entre deux maisons, entre béton et bitume, orphelin de ma grille Davioud.
Tibert
(*) UN emplâtre. C’est mâle, l’emplâtre… si vous voyez du féminin dans l’emplâtre, je vous plains.