C’est la période des petites phrases qui appellent quatre heures de labeur à tartiner-rédiger dessus, citations à l’appui si possible. Exemple, en 2022, année où Macronibus rempilait pour cinq ans, ce pensum « Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ? » ? Ben oui, pensait-il, enfin… quelle question ! … dans la même veine (ou déveine, au vu des sorties d’urnes récentes) notre Emmanuel national vient de produire un petit bijou de phrase, un mix de mea-culpa et de mais-je-me soigne, et qui donne ceci :
J’ai déchiré le voile de l’ignorance en même temps qu’un système qui, tout en le critiquant, s’accommodait à l’idée de ne pas donner la parole aux Français.
Bigre… vachement dur, comme sujet. Monsieur Jospin, l’inventeur du « sentiment d’insécurité » , avait, lui, fendu l’armure ; assez costaud, donc, ça ne se fend pas comme ça sur un coin de table. Notre actuel président, lui, déchire le voile (de l’ignorance) ; et, non content de cette action déchirante, « en même temps » donc (c’est une manie chez lui, quasiment sa marque de fabrique) il déchire un système… système apparemment assez fragile, ça se déchire comme une feuille de papier, un bout de tissu, etc.
Ce système, nous apprend-il, fait deux trucs simultanément (toujours, donc, « en même temps » : incorrigible) : il LE critique ( « tout en le critiquant » , qui ? quoi ? seule cible possible, c’est le voile de l’ignorance, what else ? ) ET il s’accommode à l’idée de…
Eh non, on n’a pas donné la parole aux Français. Pas la peine : c’est l’Etat qui décide de ce qui est juste, pas vrai ? C’est bien connu, en haut lieu, et puis c’est plus confortable. Mais avant de donner la parole aux Français, il faudrait s’enquérir, un tant soit peu, de leurs problèmes ! Le voilà, le voile de l’ignorance ; à supposer – acceptons-en l’augure – qu’il soit déchiré, surtout ne le raccommodez pas, fichez-le à la benne, ce funeste voile.
Monsieur Sarkozy, qui a vécu cinq ans derrière le même voile, est passé de l’autre côté, et a gagné avec la retraite le droit de faire, lui, des petites phrases sans retour de boomerang ou de manivelle, résume « les problèmes des Français » en trois mots lapidaires : l’identité, la sécurité, l’autorité. Pas les thèmes de la gauche, à l’évidence, du moins de la gauche actuelle, qui exècre et combat l’ordre républicain ; les thèmes du camp d’en face, qui, on l’a vu, ont fait un carton.
Ayant ainsi déchiré ET le voile de l’ignorance ET le système qui, gnagnagna…, gageons que notre courageux président va désormais donner la parole aux Français. Il lui reste grosso modo un peu moins de trois ans.
Tibert