Il y avait, dans ce village de bord de mer que je connais, aime et fréquente depuis cinquante ans, bien en vue au coin de deux rues, le réputé « Charcutèr » , plébiscité pour ses délicieuses saucisses – saucisses pour mécréants – et pour le duo « ie » terminal absent à son enseigne. C’est de nos jours un salon de coiffure de plus, un parmi six ou sept. Vos saucisses « fabriquées en France » si possible, vous irez donc les acheter, rutilantes et bien roses dans leurs barquettes scellées sous plastique (miam ! ), muni de votre caddie ou d’un panier ad hoc, à quelques encâblures de là – voiture quasiment obligatoire – chez Super-Hue, Lideul, Aldie ou Carrouf-Marquète. En revanche, si vous voulez acheter une propriété plutôt que 60 cm de saucisse, aucun problème : l’embarras du choix ! les agences immobilières ont poussé comme champignons après la pluie en automne.
Idem, hier je cherchais, au port voisin, les retours de petite pêche locale où j’avais l’habitude d’acheter sur place, raides encore, des maquereaux, des plies, des… poissons, ce qu’il y avait dans les casiers. Rien du tout ! je me suis rabattu sur le centre-ville, vers la superbe et opulente poissonnerie où j’allais parfois. C’est devenu une grosse agence immobilière ; il y en a trois autres aux alentours : ça manquait ! Il reste bien encore une petite poissonnerie, mais mal fichue et chère, non merci.
Ah, en revanche… si après avoir acheté une maison, un appartement, et avant d’acheter le prochain, vous désirez bouffer, vous restaurer d’un kebab, un hambourgeois, une galette garnie, un wrap, une barquette de frites, aucun problème, le choix est de plus en plus riche. Les délicieuses petites villes de bord de mer, Les Vacances de Monsieur Hulot ? alignements d’agences immobilières, de salons de coiffure, d’esthéticiennes, de relaxothérapies, de fleuristes, de foirfouyes à produits chinois. Et puis des traiteurs asiatiques, des pâtissiers-confiseurs, des gargotes. Et là-bas au loin, une fois passés les panneaux « 30 » les bardées de ralentisseurs les chicanes les placards de pub, des supérettes aux néons permanents et à la zizique « yaourt » américaine. Pour des citrons en provenance d’Afrique du Sud, des aulx arrivés d’Argentine ; pour y tourner en rond en poussant des caddies.
Et les autochtones ? bof, il y en a de moins en moins. Ils sont vieux.
Tibert
Je me demande s’il n’est pas temps de laisser la place… aux jeunes ! D’ailleurs, ils l’ont déjà prise. Et qu’ils n’aillent pas se plaindre qu’on leur a laissé un monde pourri. Ce monde pourri, c’est eux qui le fabriquent aujourd’hui !
Au moins, on n’assistera pas au gachis, juste aux prémices et c’est déjà bien assez. C’est triste de voir l’avenir comme ça, mais heureusement, la vie s’arrête un jour !
Constat sinistre : c’est tout à fait dans le ton.