Voilà : d’abord j’ai appris ce matin que le camembert – ça devient difficile d’en trouver du vrai – se vend chez nous, toutes versions confondues, les plâtreux, les lamentables, les superbes ou les quelconques, à raison de 500.000 boîtes, ou 500 millions de boîtes par an, au choix. C’est Ouest-France qui avance ces deux chiffres, à vous de voir ! en fait c’est vite vu, 500.000 c’est ridiculement bas ; c’est évidemment 500 millions, genre 7-8 boîtes par ménage et par an. Mais ce canard du soleil couchant nous explique aussi que la souche de ferment « penicillium candidum » utilisée exclusivement pour la production de ce fromage devient incapable de faire son boulot… la faute à l’exclusivité, justement. C’est en somme le même problème que les unions consanguines, les gènes s’appauvrissent. Il est donc vaguement question de diversifier les souches de ferments, comme ça se pratiquait avant la Grande Guerre. On avait des camemberts bleutés, orangés… et pourquoi pas ? si c’était goûteux… bref : vive la diversité, à bas la monoculture.
Question diversité, voyez aussi comme la Voix de la France (dixit Pompidou), conçoit le pluralisme. Il s’agit en l’occurrence de France-Info. Un journaleux de la chaîne, monsieur Achilli, a été sanctionné (suspendu à titre conservatoire) pour manquement aux règles. La Loi est dure mais c’est la Loi, donc : en principe ces messieurs-dames bossent pour leur boîte, mais nombreux sont ceux qui améliorent l’ordinaire en travaillant ailleurs, ici ou là, du rewriting, des écrits sous-traités… on appelle ça des « ménages » : en termes châtiés, des contributions extérieures. Le règlement veut que toute contribution extérieure soit déclarée et acceptée par la Direction, « afin de bannir tout soupçon de conflit d’intérêts » .
Or le journaleux sanctionné aurait, sans en référer à sa direction – c’est plein de conditionnels – travaillé avec monsieur Bardella, du RN ! Il l’aurait, lui est-il reproché, assisté dans la rédaction d’un livre qui devrait sortir incessamment sous peu. Monsieur Bardella étant très occupé et n’ayant pas forcément la plume allègre, il serait susceptible d’en sous-traiter la rédaction : c’est banal et courant, on appelle ça faire appel à un « nègre » (*). Moult journaleux font ainsi des « ménages » ; les déclarent-ils toujours auprès de leur direction ? (**) En tout cas, monsieur Achilli nie clairement ce qu’on lui reproche, arguant « qu’il avait refusé de coécrire le livre, et que ses discussions avec Jordan Bardella relevaient des contacts qu’il noue avec les politiques de tous bords dans le cadre de l’exercice de son métier » . Des « politiques de tous bords » ? ça va de soi, c’est le pluralisme cher à nos antennes nationales. Mais pas les mauvais bords.
Tibert
(*) Désolé, c’est comme ça qu’on dit en français. J’y mets plein de guillemets ; ça vient du latin « niger » : noir, la couleur noire. Enfin, la couleur… au Portugal en tout cas c’est une couleur.
(**) Sur cet article, un commentaire de lecteur du Monde : « Curieusement, quand Cécile Amar écrit un livre avec Mélenchon, ce n’est pas un problème pour le service public. » . Deux poids deux mesures, alors ? ce serait possible, ça ?