Un peu de maths, ou plutôt de calcul. Et de la logique pour finir.
Un député de l’UMP, monsieur Vanneste, parle « de la fameuse légende de la déportation des homosexuels » pendant l’occupation allemande. On le flingue donc et le marque du sceau de l’infamie, car en France de nos jours il n’est plus possible de prononcer certains mots sans se voir clouer au pilori. J’y reviendrai.
Moi-même j’étais resté sur des informations extrêmement sommaires – le triangle rose, la persécution des homosexuels par le régime hitlérien. Je suis donc « tombé de l’armoire » en apprenant la teneur du discours de monsieur Vanneste. Il déraillait ou quoi ?
Et puis je suis donc allé voir plus creux, et notamment les chiffres donnés par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, laquelle, vous me l’accorderez, n’est pas suspecte d’apologie du nazisme. Ces gens sont a priori crédibles, et ont travaillé en historiens. Bon, voyons voir, et allez-y donc voir vous aussi, car c’est précis à l’unité près.
Il ressort que 7 Français homosexuels, non résidents d’Alsace-Lorraine, ont été emprisonnés puis déportés en camp de concentration (un nombre nettement plus grand – quelques dizaines – est à déplorer au total en incluant les départements annexés par le Reich). Mais ce qui est frappant, c’est que ces 7 Français ont en fait été déportés avec un convoi de « politiques », et épinglés du triangle rouge – pas rose.
Résumons nous :
– Les chiffres sont effectivement minuscules au regard des statistiques mortuaires de la seconde guerre mondiale. Vis à vis des morts de froid et de faim en Russie, vis à vis du massacre des Juifs, c’est peanuts, et de ce point de vue monsieur Vanneste peut effectivement parler de « légende » – si l’on considère que la déportation « en masse » est communément et aveuglément admise.
– De nombreux homosexuels avaient d’autres activités que celle-là (être homosexuel, ça laisse du temps libre), et aussi des opinions politiques, figurez-vous. Ils pouvaient même se trouver être Juifs, francs-maçons, communistes, résistants… la déportation en tant qu’homosexuel et rien d’autre est donc chose délicate à comptabiliser. De ce point de vue c’est le flou le plus complet.
– Il n’est nulle part question des homosexuelles : ça n’existait pas sous le IIIème Reich ? c’était non répréhensible ? tant mieux pour elles, mais c’est bizarre, et assez « macho ». Sujet à creuser, donc.
– Monsieur Vanneste n’a pas explicitement affirmé qu’aucun homosexuel n’a été déporté en tant que tel ; non, mais c’est cependant un peu ce qu’on croit lire : une légende, c’est du domaine de la fable, de l’irréel. Mais n’y aurait-il eu qu’UN seul homosexuel « français de France » (non résident en Alsace-Lorraine) déporté – on en a compté 7 – cela aurait constitué une déportation, pas une légende. Quant aux homosexuels allemands ou annexés, là on n’a pas de doutes, ils ont effectivement été persécutés.
Voilà les pendules remises à l’heure quant aux faits, aux chiffres objectifs. Restent deux questions :
– Pourquoi monsieur Vanneste lance-il cette polémique ? pourquoi maintenant ? dans quel but ?
– Si l’on fait le parallèle entre les idées reçues – déportation massive et systématique des homosexuels pour ce seul motif – et les chiffres des historiens, on peut effectivement se poser des questions sur cette erreur d’échelle, de perspective. Et, au lieu de diaboliser monsieur Vanneste, de crier au loup, au lepénisme, au révisionnisme etc, si l’on argumentait ? car on peut argumenter, réfuter, les faits sont assez précisément établis. Mais on traite là d’un des thèmes répertoriés à l’inventaire de la Pensée Unique : l’anathème et le pathos tiennent lieu d’argumentation. C’est regrettable.
Tibert