Mon précédent billet citait M. Bayrou (rendons-lui l’orthographe de son nom, maintenant que, didactiquement informés, mes lecteurs savent prononcer Baïerou, à la béarnaise) : « Le Béarnais n’est pas bling-bling« . Et la Béarnaise, hein ? justement, la Béarnaise, l’inamovible accompagnatrice de l’entrecôte éponyme ? eh bien, non seulement elle ne l’est pas non plus, bling-bling – car « le Béarnais » désigne l’espèce humaine béarnaise tout entière, hommes et femmes bling-bling ou pas – mais en plus elle n’a pas le moral. Elle ne l’a jamais eu aussi bas, le moral. Et à quoi doit-on ce bas moral, à votre avis ? il suffit de consulter la presse pour y trouver une convaincante explication.
D’abord, la cote (pas la côte !) de popularité de M. Sarkozy remonte : d’où ce regain de déprime de notre Béarnaise-témoin(*). En effet, le moral des ménages suit fidèlement la courbe de popularité du Président, avec un léger retard. Juste le temps de prendre connaissance des chiffres, et toc !
Deuxièmement, de savoir que les patrons du CAC 40 se sont voté des augmentations de 40 %, justement (si ç’avait été le CAC 80, je vous dis pas !), et que le chef des patrons de l’UIMM pensait se barrer peinard avec plein de casseroles procédurières aux fesses, certes, mais avec un gros chèque de 1,5 millions d’euros pour se consoler, ça lui a foutu un coup au moral, à la Béarnaise. Que Mme Parisot, que je trouve plutôt ressembler à notre petite rouquine nationale Marlène Jobert qu’à Mme Thatcher (c’est un compliment) ait poussé un coup de gueule là-dessus ne lui a pas ôté le sentiment que oui, décidément, il vaut mieux se trouver du côté du manche que de la cognée.
Troisièmement, elle lit, la Béarnaise, que les prix alimentaires ont pris des claques « officielles » de 12 à 18 %. Relisant sa feuille de paye, ou son relevé de pension de retraite, elle n’y constate pas du tout du tout la même évolution.
On lui dit, à notre Béarnaise, qu’en revanche le prix des ordinateurs a baissé ; mais elle n’en achète pas tant que ça, des ordinateurs ; pas autant, en tous cas, que des baguettes de pain et des yaourts. Et elle se demande, notre héroïne, si l’euro se renforce encore face au billet vert, et si le pétrole, que nous achetons justement en billets verts, continue de grimper aux rideaux spéculatifs, et si le gaz suit, et si le prix de la salade payée aux producteurs continue à être aussi bas (25 à 30 centimes), et si comme on le dit la grande distrib’, justement, se fait verser des petites rentes quelque part en Suisse sur des comptes à l’abri du Fisc, et si, et si…
Bref elle n’a pas le moral. Quelque part, moi aussi, je me sens Béarnaise.
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(*) Il n’existe pas de féminin à témoin. Désolé, mesdames. Auteure, call-girl, professeure, wonder-woman, mais témoin ??? témoin que rien…