Les sénateurs, qu’on ne soupçonne pas de souffrir de surmenage, viennent de décider que, décidément non, le burn out n’est pas à mettre au nombre des maladies professionnelles, comme l’asbestose des ouvriers de l’amiante, la silicose des mineurs, la dermite des maçons et j’en oublie. Non… au fait qu’est-ce que c’est ce machin, là, le burn out ? brûlé dehors, brûlé complètement. C’est clair, non ? burn out ? allez, je vous le dis : on s’est totalement épuisé au travail, on est lessivé, broyé, raplapla. Voyez comme en juste deux mots les anglais savent exprimer ce qui nous prend des phrases entières !
Remarquez, nous aussi on sait faire ça : c’est la technique du concept ; un mot convenu représente des formes, des objets, des concepts (encore la récursivité). Tenez : « syndrome« , juste un mot, UN mot, qui signifie « ensemble de signes cliniques et de symptômes qu’un patient est susceptible de présenter lors de certaines maladies« . Eh oui, tout ça.
Donc, le burn-out a un équivalent français, ce qu’ignorent soigneusement nos journaleux toujours aussi anglolâtres. C’est le « syndrome d’épuisement professionnel » (j’écrirai SEP pour faire court, faut faire court, coco). Donc le Sénat considère que le SEP n’est pas une maladie professionnelle. Pourquoi ? parce que le SEP est transversal, qu’il touche aussi bien le boulanger que le peintre, le tôlier que le chef comptable. Le SEP n’est pas l’apanage d’une profession. C’est du moins ce qu’il disent, les sénateurs.
Eh bien les sénateurs ont tout faux : c’est AU BUREAU que le SEP frappe, ce sont les bureaucrates qui ont découvert leur épuisement au bureau, leur SEP. La preuve : c’est monsieur Benoît Hamon, le député frondeur, qui a déterré le SEP, qu’en bon historien il nomme burn-out. Notons au passage qu’on peut faire l’économie du « syndrome » : l’épuisement professionnel, ça devrait suffire, au diable le syndrome, qui alourdit inutilement ; et puis l’épuisement professionnel comme maladie professionnelle, ça redonde beaucoup. Evidemment que c’est professionnel ! ça s’appelle le surmenage, en français. Et là, du coup, « burn out » contre « surmenage », c’est le français qui gagne, on est plus concis.
Tout ça pour dire que le surmenage au bureau – parce qu’il s’agit de ça, rien que de ça – c’est très banal, pas du tout du genre maladie professionnelle, et heureusement. Sinon on devrait y classer aussi la gastro-entérite ou le rhume qu’un confrère de votre plateau paysager vous a gentiment refilé. En y réfléchissant bien, c’est très mortifère, le bureau, très délétère ; mais si l’on classe le bureau au niveau de dangerosité des mines de potasse ou des abattoirs de volaille, c’est le trou de la Sécu qui va atrocement béer.
Tibert