Je dinais récemment avec ma petite famille dans un resto « vietnamien » (nems, rouleaux de printemps, et l’inévitable combinatoire porc-boeuf-canard-poulet / gingembre-pousses de bambou-germes de soja-aigre-doux-curry-etc…) un soir où la vacuité du frigo, la lassitude des coups de téléphone à Pizza’Vroumvroum nous avaient poussés dans une voiture, direction un restaurant réputé.
J’ai payé 69 euros pour nourrir – inégalement – quatre adultes, le plat le plus cher tournant autour de 14 euros : ni apéritifs ni vin, de l’eau du robinet. Une entrée et un plat chacun, pas de desserts. Rien donc de scandaleux quant au prix, banal.
Mais… si d’autres plats furent appréciés et dégustés avec plaisir, le mien – du cabillaud en sauce épicée et aux « petits légumes » – s’est révélé trop salé, le poisson filandreux et dur, sans saveur, et la sauce se résumant à un brouet sombre, genre fond de veau trop recuit. Qui plus est, aucune garniture consistante n’y figurant, j’avais dû y adjoindre l’incontournable bolderiz, riz d’ailleurs sans aucun intérêt gustatif, juste apte à caler l’estomac et éponger la « sauce » du plat. Mais 2,5 euros de plus.
Alors je me dis : il y a bien des soldes, des promos, des magasins d’usine pour les produits à « courte date de péremption », imparfaits, dépareillés, non suivis, passés de mode, en surstock… et cela dans quasiment tous les domaines du commerce. Des porcelaines, des tapis, des chaussettes, des filets de saumon sous barquettes, des cuisines… de tout.
Mais pas au restaurant. Jamais. Tout au plus voit-on parfois, dans le milieu des « Bouff’vite » en barquettes polystyrène, des promos sur le « triple chiz’beurgueur » ou les « salades tex-mex au haricot rouge », mais jamais jamais dans un restaurant normal.
Il existe en fait, dans cette profession, deux types de pratiques pour écouler en douce les vieux stocks : la première, « je vous recommande tout spécialement nos langoustines, elles sont ultra-fraîches » (faut qu’on s’en débarrasse, ça urge), ou le foie de veau (racorni) poëlé aux agrumes, ou la (vieille) cassolette de saint-jacques ; l’autre technique consistant à inscrire les plats à dégager urgemment au menu prix fixe et sans choix.
Mais imaginons une pratique plus transparente, plus sincère, plus marchande : « aujourd’hui le chef a légèrement trop cuit ses rognons de veau, et vous les propose à 10 euros au lieu de 13 » ; ou « Cabillaud en sauce piquante, petits défauts d’assaisonnement : 8 euros au lieu de 12 » ; « soldes monstres 50 % sur les langoustines encore fraîches mais cotonneuses » : ça, jamais !
Pourtant, des plats loupés, ça arrive, non ? Alors, pourquoi infliger le prix plein pot au client, qui, bien évidemment, va rentrer chez lui dépité et mécontent ? Risquer de le dégoûter de revenir ? Lui donner le sentiment de s’être fait avoir ? Bien évidemment, s’il s’agit d’une gargotte de bord de Nationale qui ne voit jamais revenir la clientèle de passage, ce n’est pas très grave (encore que les guides, forums, échanges de bonnes ou mauvaises adresses, ça existe…), mais pour un resto établi, ayant pignon sur rue dans une ville ?
Baisser les tarif des des plats qui sont boudés, fatigués, loupés… ce serait à la fois honnête et habile. Donc, messieurs les bistrotiers, restaurateurs et cuistots, à quand les soldes ?
–
PS – ponctuellement, ça se fait, mais en général sous la pression du client. Il me souvient d’avoir même bénéficié de la gratuité totale d’un plat, un jour de juillet dans le quartier Plaka, à Athènes. Ma moussaka se présentait bien, mais, soulevant une strate de légumes et de sauce blanche, j’y avais découvert une grosse mouche noire et velue, morte et cuite. Beurk ! appel au serveur, panique à bord, plat non facturé, bien évidemment, avec proposition de remplacement, mais je n’avais plus faim.