Des métières

(Prologue, commentaire liminaire, avant-propos, introduction : Janvier, aïe aï aïe ! Ettore Scola qui dévisse, juste après Michel Tournier… la Grande Faucheuse est déchaînée. J’ai revu récemment « Le bal », du premier cité, et sans sous-titres 😉 , c’était superbe. Adieu donc, on les regrettera. Mais ici ce n’est pas de la nécrologie, c’est du blog)

Tenez, un  extrait du courrier des lecteurs du dernier exemplaire de « Lire » (je lis Lire, et sans bégayer) : « De grâce, aux oubliettes, l’infâme ‘auteure’ (pourquoi pas, du reste, autrice, auteuse, ou auteuresse ? ) et l’horrible ‘écrivaine’…« .

Et puis cette citation du « Monde », traitant de cuisine avec la maîtresse-queue Trish Deseine : « La chef irlandaise, auteure de livres de cuisine qui ont réinventé le genre, renoue avec ses origines dans son dernier ouvrage. Pour “M”, elle revisite le soda-bread, pain sans levure etc etc… ».

Voilà, on en est là… vous avez noté, bien sûr, dans le deuxième extrait, la chef, pas la cheftaine, la cheffe, la chéfesse, mais en revanche, auteure  : il y a comme un souci avec la cohérence genrée. Notons toutefois que ladite Trish a « réinventé le genre » des livres de cuisine, et l’on peut désormais écrire « une livre », c’est Le Monde qui vous l’annonce. Vous m’en mettrez une livre.

La féminisation militante de nos métiers a produit des monstres, en effet. Surtout s’agissant des métiers en « …eur » ; ceux en « …iste » et en « logue »ne varient guère, le et la lampiste morflent pareillement pour les co… les âneries des autres ; « …ent », « ant », « ier » et « ien » posent peu de problèmes, on y ajoute un « e » et basta, le pharmacien la pharmacienne, le meunier la meunière, le soupier la soupière ; le pape la papesse, le maître-chien, la maîtresse-chienne.

Le président la présidente, mais notons qu’il y a encore peu la présidente était la femme du président, qu’on traitait comme telle. C’est ainsi que le conjoint de madame Merkel se tape la visite des crèches  et les défilés de mode lors des visites protocolaires.

C’est vrai qu « écrivaine » est très moche, ça évoque forcément la vanité, que voulez-vous, la vanité de l’écrivain. Mais ce n’est pas le pire. Les métiers en « eur » féminisés, voilà le gros hic. Pas de règle… n’importe quoi… le docteur-la doctoresse ( pas la docteure, la doctrice, l’infirmière) ; le monteur ? la monteuse, pas la montrice, la montresse… en revanche,  l’éducateur et l’éducatrice, le moniteur-la monitrice. C’est au pif, quand ça ne donne pas dans le graveleux ; tenez, l’entraîneur-l’entraîneuse.

Bref, me dis-je, on admet bien que Dominique A. l’archéologue et Claude B. l’hauboïste soient des entités neutres, démilitarisées en quelque sorte : on vit très bien sans préjuger de leur genre avant de les avoir rencontrées ; à la limite ça met du piment. Pourquoi donc diable faut-il pléoasmiquement énoncer que Colette C. est professeure ? ça ajoute à son exquise féminité ? on aurait des doutes, autrement ?

Tibert

Hommages illettrés

Il est des mois où l’on serre les fesses, et janvier en est un, et sérieux. Pensez, la rafale de décès illustres, Delpech, Galabru, Boulez, Turcat, Courrèges… et maintenant Bowie ! le terrorisme façon Grande Faucheuse, et pas besoin de Kalach’, ils tombent comme des mouches. Bon, Bowie c’est pas chez nous, mais tout de même…  et tout le monde de se lamenter dans l’Hexagone, quel artiste ! quelle perte !

Ouais… j’ai des doutes. Hommages appuyés, certes, mais fondés ? mon oeil, pour ne pas dire plus. La toilette et les oripeaux, le look, quoi, soit… il a fait un peu de tout et ça avait parfois de l’allure, travelo, décadent, géométrique, peinturluré. Cela donne-t-il du talent musical ? Non, je n’aurai pas la cruauté de citer les nombreux artistes de variétés au talent hypothétique mais très doués pour la déco. Mais ses musiques sont sans doute intéressantes, avec des rythmes bien tournés et l’usage assez novateur, appuyé, de l’écho, très décalé.

Mais les textes ? ah les textes ! Eh bien justement, ses textes, que 5 % de nos encenseurs dithyrambiques ont lus, compris et appréciés. C’est de l’anglais, et naturellement quand on chante en anglais les auditeurs de par chez nous avec leurs oreilles latines sont complètement largués, déjà que c’est super dur quand on le parle, l’anglais. Alors avec de l’écho, du fading, des distorsions, et la batterie qui couvre tout… au fait, qu’est-ce qu’il brâmait, Bowie, comme textes, derrière la batterie qui couvrait tout ?

I laughed and shook his hand
and made my way back home
I searched for form and land,
for years and years I roamed
I gazed a gazely stare
at all the millions here
We must have died alone,
a long long time ago

C‘est du Bowie, un petit échantillon de Bowie pour les chats.

Ah bon ? il a chanté des trucs comme ça ? ah oui à le lire, comme ça, on comprend – enfin, un peu. On a pas trouvé gazely dans le dico… « L’homme qui vendit le Monde« … onh onh… mais quel talent ! quelle perte !

Tibert, en yaourt

2 x 3 x 3 x 37

Trente-sept étant un nombre premier je n’irai pas plus loin. Donc, 2 x 3 x 3 x 37 = 666, vous aviez bien calculé. Il se trouve, je n’invente  rien, qu’une pauvre mère ayant enterré sa fille tout juste jeune adulte, dut suivre, éplorée, un corbillard de la région niçoise dont l’immatriculation comportait les trois chiffres « 666 ». Et ce fut un choc pour elle, fervente croyante. Car Saint-Jean, le plus allumé des évangélistes, celui qui forçait un peu sur le joint, dans son « apocalypse » verset 13-18 écrit ceci (en grec ancien !! ) : « Que celui qui a de l’intelligence déchiffre le nombre de la bête. Ce nombre représente le nom d’un homme, c’est : six cent soixante-six ». Et toc ! Sauf que certains transcripteurs  ont écrit 616. Mais bon…

Je me suis beaucoup amusé à la lecture de la page Wiki consacrée au Nombre de la Bébête. Tenez, 666 c’est aussi entre autres tentatives d’interprétations, MAOMETIS = 40 + 1 + 70 + 40 + 5 + 300 + 10 + 200, en donnant à chaque lettre d’un alphabet (que je ne pratique pas) un poids et en additionnant (pourquoi toujours additionner ? pourquoi pas utiliser le logarithme décimal ou le reste de la division entière par 5 ? ). Je gage que vous vous en divertirez aussi, estimée lectrice, ami lecteur.

En attendant, de même que les anciennes immatriculations [ 999 PPP 99 ] évitaient les « 422 CON 75 » ou les « 718 CUL 69 » il semblerait sage que dans les préfectures on neutralise, non la Bête, c’est hélas impossible, la Bête est en nous, mes frères, repentons-nous et frappons notre coulpe car la fin est proche (*), mais son nombre – a fortiori pour un corbillard ! Boycottons 666, et tiens, dans le doute, 616 aussi, on ne sait jamais. Et 999 : à l’envers, tiens donc. Et puis tous les détails. Le Diable est dans le détail.

Tibert

(*) à vrai dire, la fin n’a jamais été aussi proche. Et depuis que j’ai écrit ça, encore plus proche.

PS : je n’y résiste pas : la peur du nombre 666, ça s’appelle hexakosioihexekontahexaphobie. A vos souhaits !

Apories à Paris

Le « Monde sur Toile » de l’été se lance dans une chronique d’été, bien évidemment ; littéraire, la chronique, car centrée sur l’homme que la planète littéraire française – petite planète ! – exècre et chérit tout à la fois, Michel Thomas alias Houellebecq, ce qui sonne fichtrement mieux que Thomas, sonorités du Cotentin, des marées sur la grève et du varech réunis. Au passage, on saluera l’hommage des grands hommes de lettres aux grand-mères, le prénom pour Céline (Louis-Ferdinand), le nom pour Houellebecq (Michel). Le rapprochement n’est pas tout-à-fait fortuit, il y aurait à gloser dans une thèse de littérature comparée sur Destouches-Thomas, au delà de leurs dégaines pareillement et savamment négligées ou de leurs hygiènes de vie très opposées, l’un clopant semble-t-il comme une locomotive, l’autre buveur d’eau et les poumons mités itou – mais pas par la nicotine et les goudrons d’American Tobacco. Au delà, ça devient de la littérature.

Mais les confronter ne sera pas simple, MH ne se revendiquant pas du tout de LFC ; plutôt de Georges Perec (et non Pérec), le Perec des listes de courses et des énumérations qu’on saute lâchement, n’y ayant constaté nulle poésie, ou alors elle nous a échappé. Tenez, le Monde nous en cause : MH dit faire des listes de courses, non parce qu’il serait tête-en-l’air, mais soucieux d’épargner de trop fréquentes filatures serrées aux flics qui sont préposés à sa protection rapprochée de VIP. La liste de courses permet en effet d’éviter de s’y prendre à plusieurs reprises pour faire ses achats ; elle se construit et s’enrichit soigneusement, c’est un fait statistique établi, sur un vieux bout de papier fixé par un magnet sur la porte du frigo (*), et l’on se fait un devoir de l’oublier en partant faire ses courses. Reste, tels Perec et Houellebecq, à l’utiliser a posteriori, histoire de ne pas gâcher les bonnes choses, dans le corps d’un roman ou d’un opuscule genre « Penser / classer ».

Mais bon… vous lirez sûrement ce feuilleton « malgré lui » sur MH publié par Le Monde ; vous y ferez entre autres une petite cure d’aporie, d’aporie du christianisme notamment, mais pas que ! MH « refuse en effet de parler » aux journaleux du Monde, lesquels font donc l’expérience de l’aporie du journalisme. Aporie ? quesaco ?

[ Tout petit florilège d’aporétique :

– « Je t’aime – Moi non plus ».

– « La lumière est-elle de nature corpusculaire, ou ondulatoire ? – Oui ».  ]

Tibert

(*) C’est généralement en ouvrant le frigo qu’on constate la fin du flacon de shampoing.

Le "selfie" comme mise en abîme

J’emploie des guillemets pour « selfie », car ce n’est pas ma langue. Perso, je déplore que l’Académie Françouése n’ait pas proposé un néologisme sympathique signifiant « autoportrait réalisé avec l’appareil-photo frontal (plus mauvais, en général, que son homologue dorsal, NDLR) de son téléphone-cellulaire-évolué, tenu à bout de bras ou à l’extrêmité d’une tige« . Ce pourrait être un « mirophone », un « narcisse », bref avec un peu d’imagination… mais je t’en fous, nous voilà avec un anglicisme de plus, et idiot, avec ça. Pas le terme, « selfie », bof, ça fonctionne, mais la pratique, idiote, narcissique et invasive.

Non que se prendre en photo (très médiocre, la photo) avec une célébrité quelconque soit inintéressant ; ça permet de se souvenir de cet événement. Tenez, j’ai croisé sur le quai de la gare de Bourg-Saint-Maurice, il y a quelques lustres de ça, l’Abbé-Pierre, qui attendait dans sa longue pélerine une correspondance vers Chamonix ; manque de bol, ni le smart-faune ni le selfie n’avaient été inventés, encore moins la canne à selfie. Total, je me souviens bien de cette rencontre, mais c’est juste dans ma tête. D’ailleurs je n’avais aucun appareil-photo sous la main. Il m’est cependant loisible, muni de mon logiciel de retouche-photo favori, de faire un petit montage sympa me mettant côte à côte avec l’Abbé-Pierre sur le parvis de la Grande Arche ou devant la pyramide de Khéops, ça a une autre gueule qu’un quai de gare, et ça fonctionne pareil !

Un qui sait utiliser le selfie, tenez, c’est ce type, Amran Hussain, un ex-candidat travailliste britannique (sûrement un Ecossais), qui est photographié ou se fait photographier faisant un selfie sur la plage sanglante de Sousse en Tunisie, plage qui n’est pas Omaha-Beach, mais quand même ! trente-huit assassinés, dont une grosse majorité de ses compatriotes… bref, ce type est portraituré se prenant en selfie, avec en arrière-plan les restes du carnage. On pense irrésistiblement au triple-autoportrait de Norman Rockwell, mais là c’est nettement de plus mauvais goût. Sans égaler toutefois dans l’ignominie le répugnant « selfie à la tête tranchée » réalisé récemment à Saint-Quentin-Fallavier.

Voilà qui plombe sévèrement le selfie, cet obscène miroir de nos bas penchants. Ce qu’écrivant, je repense à la gêne ressentie il y a peu, lors des obsèques d’une proche parente ; je n’étais pas en première ligne, si je puis dire, et j’ai estimé possible, utile, de prendre des instantanés de la cérémonie et des proches. Franchement il est malvenu de faire ça ouvertement ; on se sent obligé à la discrétion, presque à la clandestinité. De fait, les très-proches, les en-première-ligne, ne prenaient aucune photo ; ça ne leur serait pas venu à l’esprit, tant ça aurait paru incongru, indécent. C’est d’ailleurs pour ça que je ne prendrai aucune photo de mon enterrement, c’est trop intime.

Tibert

Fête du décibel

Hier c’était la fête de la musique – enfin, en principe. La veille c’était celle du yoga, et puis on a eu ou on aura la fête des pères, des mères, des secrétaires, des marrons chauds, du vin nouveau, des voisins, de la rue, des fleurs… les 365 jours de l’année ne vont pas le faire, ça va se bousculer, ils vont être obligés de caser 2, 3 fêtes par jour calendaire, ça devient con. Heureusement que madame Taubira nous aura trouvé à réduire la durée de travail : à 32 heures par semaine, on va pouvoir aller de fête en fête, pendant que les autres, là, les Moldaves, les Chinois, les Bengladais, Marocains… vont bêtement trimer 50 heures pour nous piquer tout le boulot… le boulot ? on leur laisse, on fait la fête ! après, on verra…

Mais que je vous cause de la fête de la musique : j’ai tenté d’y aller voir, et surtout écouter. UNE formation harmonique audible, du jazz façon Coltrane-Mingus en fait, saxo piano contrebasse guitare et percussions ; sono un peu trop forte, mais bien, sympa. Pour le reste : des murs d’enceintes, des basses à vous déchirer la peau du ventre, des boîtes à rythmes poussées à fond les manettes, 2 musicos sur un podium bardé d’amplis (synthé et guitare) alignant des rubans répétitifs simplets à 115 décibels, et moi qui avais oublié mes bouchons d’oreilles.

Ah si : des tambours et percussions en groupes, au moins 4 ou 5 formations. Le thème ? boum-boum, le plus fort possible. Mais eux en avaient, des bouchons d’oreilles ; pas si bêtes.

Bon, la fête de la musique, je raye. Sur Arte, il y avait La Traviata, chouettement interprétée ; hélas pour une belle soirée lumineuse de fin Juin, c’est dommage de s’enfermer devant sa télé, vous en conviendrez. Le bon plan, c’était de flâner dehors, bouchons d’oreilles plus casque anti-bruit d’aéroport sur les oreilles, une bonne pression bien fraîche à la main. Ce sera pour une autre fois.

Tibert

N'y veau pas grand-chose

On se bat sur la réforme du collège, la dernière, là, avant la prochaine. Madame NVB la ministre de l’Educ’Nat’ est vilipendée ici, encensée là, mais au total un large consensus se dégage assez bien : c’est la médiocrité pour tous qui se profile à l’horizon. Défense de briller, ça fait de l’ombre aux plus faibles, ça les stigmatise, et il est interdit de stigmatiser.

Dans le Figaro, canard peu suspect de supporter les initiatives de Mme NVB, une « lettre ouverte » vient de paraître, et ma foi si vous vous intéressez au devenir de l’école de la République, mettez-y le nez ;  mais moi ce qui m’interpelle c’est le chapeau de l’article introduisant cette lettre ouverte, je cite :

« 76% des enseignants considèrent que la réforme du collège va niveler par le bas le niveau des élèves. »

Le niveau baisse, vous vous en rendez bien compte, et notamment chez les journaleux, où l’on nivelle le niveau à qui mieux mieux. On va bientôt finir au niveau du caniveau.

Tibert

De la beauté

Hier je me promenais en des lieux que j’ai eu l’occasion de fréquenter assidûment il y a quelque temps : la bonne ville de Nantes, en basse-Loire. Je ne vous entretiendrai pas de ses ronds-points – elle est championne de France, donc du Monde, du nombre de ronds-points par habitant – ni de ses très très fréquentes bosses-ralentisseurs plus nombreuses que des criquets dans un champ de blé en Afrique australe ; encore moins de ses innombrables chicanes destinées à aider les ralentisseurs dans leur tâche dissuasive anti-« chauffards » (tout conducteur de voiture est un chauffard qui s’ignore) ; et puis surtout pas des bordures de trottoirs aiguisées comme des lames de couteaux afin de punir les conducteurs assez imprudents pour monter sur lesdits trottoirs (merci pour les marchands de pneus) ; non je ne vous en parlerai pas, mais bon voilà c’est fait : en résumé, la bagnole n’est pas à la fête à Nantes. Je vous parle d’autre chose : l’art.

Le Musée des Beaux-Arts de Nantes fait peau neuve et s’agrandit, travaux à l’appui, et puis vous l’annonce sur les bâches de protection des chantiers : ce sera désormais le « Musée d’Arts ». Vous le constaterez comme moi, « Beaux » s’est fait la malle. Des arts, oui, mais pas « beaux »,  ou alors pas tous… et alors ?

Et alors, il se trouve qu’il va y avoir au musée des Arts de Nantes des salles d’art contemporain. L’art contemporain aura sa pleine place au musée d’arts de Nantes, et je suis assez tordu pour me demander si l’arrivée de l’art contemporain n’est pas justement la cause de ce changement de dénomination, de cet escamotage du « beau ». Il me souvient avoir contemplé, dans un musée new-yorkais, un ensemble {tas de sable-pelle de maçon-brouette-seau à ciment} posé au milieu d’une salle vide ; je m’étais dit « tiens ils sont en chantier ici ? « , puis avais constaté, face à un panneau explicatif, qu’il s’agissait d’une installation : c’était une oeuvre d’art. Si ça se trouve, les bâches de chantier du futur Musée d’Arts de Nantes, c’est une Installation ?

Tibert

Comment aller à Jacta-Est

Grâce à notre ministre de l’Educ’Nat’ Najat-Vallaud-Belkacem (ci-après désignée sous le sigle NVB, ne pas confondre avec NKM, encore moins avec mon ami GAQ), la 576 ème réforme des programmes de l’enseignement est en route. Notez, si le précédent ministre-météore Benoît Hamon avait eu le temps de carrer ses fesses dans le fauteuil du même ministère, ça donnerait la 577 ème, mais il est parti précipitamment juste avant la rentrée.

Donc pour ne pas déroger à la tradition, ça réforme encore et  encore, preuve que ça merdoie quelque part : on est constamment en train de bidouiller le potentiomètre, ce n’est pas stable, ça turbule tout le temps, on change les réglages tous les trois mois. Et ce coup-ci on veut alléger la carlingue, alors le latin et le grec, langues mortes comme chacun sait, allez hop à la trappe. Langues élitistes, inutiles, ghettos de luxe… l’école de la République se doit donc de s’adapter au ras des pâquerettes, foin des velléités de péter plus haut que son cul, de retrouver l’essentiel des racines de notre langue chez Virgile et l’essentiel de nos mots savants chez Euripide, misogynie et thanatophobie. Stop à l’effort aride et au progrès, Dominus Dominum Domini Domino c’est trop dur, c’est d’espace ludique qu’il s’agit derrière les murs des bahuts.

Adieu à l’ablatif absolu – ce sujet traité, passons à autre chose.

Bye-bye le gérondif, chemin faisant.

Adios  Τὰ ζῷα τρέχει « ta zoa trekeï », la gent animale court dans la cour.

Le genre humain scolaire français court, lui, derrière la cancritude (merci madame Ségo), l’alignement morne sur l’objectif de l’électro-encéphalogramme plat. Mais les doigts voltigent, agiles, ça ça fonctionne, sur les touches virtuelles du clavier virtuel du smartphone (du grec φωνή, phoné, la voix) :

– Ou T ? kestu fai ?

Tibertus-felis

 

Rien à dire, mais pas que

Aujourd’hui j’ai d’abord, faute d’inspiration, décidé de tartiner sur le paradoxe-bateau, le pont-aux-ânes de la logique : le syllogisme façon « Aujourd’hui je n’écris rien« . Ce qu’en écrivant je n’écris pas rien, j’écris bel et bien quelque chose, etc, vous connaissez. L’astuce c’est qu’il y a là-derrière un accord tacite entre vous, lecteur-lectrice estimé(e) et moi l’écriveur. Cet accord que je vous impose, tant pis pour vous, c’est que momentanément, c’est en quelque sorte une brève ouverture, j’ai le droit d’exprimer – en peu de mots, sinon ça ne vaut pas – que je me refuse à l’exercice qu’on attend de moi. J’annonce la couleur, même en l’absence de couleur. Tenez : « Je me tais« … comment voulez-vous que je vous signifie que je me tais, si je me tais ?  Vous suivez ? disant cela je ne me tais pas, mais pour mieux me taire ensuite, et vous m’en serez reconnaissants, ça commence à faire long.

C’est kif-kif les pages où l’on trouve écrit « cette page est laissée blanche« , et justement elle ne l’est pas, à cause de ce texte idiot, ou « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien« . Autre illustration de ce syllogisme apparent : le célébrissime constat que la mesure fausse la mesure (en mécanique quantique, notamment, mais aussi en sciences sociales). C’est-à-dire que les instruments de mesure perturbent et faussent les relevés. C’est donc en s’abstenant de mesurer qu’on obtient les mesures les plus justes.

C’est sur ce dernier principe qu’est basée la politique française sur les « statistiques ethniques ». D’aucuns, essentiellement des tenants de La Bonne Pensée façon MRAP, Libé… s’effraient à l’idée de voir ainsi décomptés anonymement, mais comptés tout de même, les Asiatiques comme des Asiatiques, les Noirs comme des Noirs, les chats comme des chats, etc… : ce n’est pas humaniste, pas charitable. Monsieur Hollande ne dit pas autre chose : non aux statistiques ethniques ! mais sa logique est autre : ce n’est pas La Bonne Pensée qui guide ses propos, c’est  » y a qu’à regarder », en d’autres termes il essaye de nous fourguer en douce la classique démonstration de maths que nous avons tous faite au moins une fois : « il est évident que » (la droite (AB) est perpendiculaire au côté NM du triangle NMP).

Et ça marche ? euh… tenez, les récurrents projets d’introduire de la mixité sociale dans les quartiers…  vous jugez (sans chiffres, donc au doigt mouillé) qu’un quartier est trop dense en Maghrébins ? vous allez tenter d’y introduire des Asiatiques, des Indo-Européens, des… combien ? aucune idée, vous n’avez pas de statistiques. Autre serpent de mer, l’ascenseur social : il fonctionne ou il rouille ? voyons voir… combien de descendants d’immigrés ont atteint l’enseignement supérieur ? hmmm… un certain nombre ? là c’est sûr on a du solide pour avancer !

Voyez-vous, il me vient à l’esprit, entendant Normal-Premier traiter de la non-statistique ethnique comme science sociale, le sketch alcoolisé des regrettés Dac-et-Blanche : le Sarabindranath Duval est assis en tailleur avec son turban, etc… et on lui demande un truc archi-pointu, énoncer le numéro du permis de conduire de la dame, là, au 3ème rang…

« Vous pouvez le dire ?

– je peux le dire !

– Vraiment vous pouvez le dire ?

– Oui !

– Il peut le dire ! » (triomphal, applaudissement nourris).

Tibert