On ne peut pas écrire des billets politiques à longueur de temps : on se répète. On se répète, car la politique, comme les plaques tectoniques, se meut à toute petite vitesse, sauf quand ça pète pour cause de tensions trop fortes. Et quand ça pète, les billets à caractère politique ne suivent pas, sont vite obsolètes, bref ça va trop vite, ou pas assez.
Pas comme la langue !! billets sans limite de temps, écrits aujourd’hui, valables encore dans trente ans. Sur la fameuse comparaison des longueurs de phrases – ou des décomptes de caractères – en français et en anglais, l’anglais étant supposé plus concis ; les mots sans équivalent, les polysèmes (le temps qu’il fait, le temps qui passe), les expressions idiomatiques : passionnant, n’est-il pas ? je ne sais pas pourquoi, je me suis arrêté, bloqué, focalisé sur le « cheap » des Anglais, des Etats-uniens et de quelques autres tribus – y compris nos concitoyens pour qui cet adjectif a des résonances péjoratives, inconnues chez les anglophones.
Cheap, ou billig ou barato par exemple – je n’ai exploré, flemmard comme je suis, que l’anglais, l’allemand et l’espagnolo-portugais. Traduction : « pas cher » ; « bon marché ». DEUX mots pour dire « cheap », cinq lettres en un seul mot, qui dit mieux ?
A noter que nous ne sommes pas seuls à ramer pour exprimer « de prix bas ». Nos cousins transalpins avec leur « buon mercato » ne font pas mieux. On m’a suggéré « économique » – economico – qui fait bien un seul mot, mais introduit une notion étrangère à « bon marché » : économique, c’est aussi la notion de performance, de qualité-prix… et c’est surtout un euphémisme commercial pour nous vendre du très très basique sous prétexte que c’est moins cher. La classe économique d’Air Rance (*), tenez, par exemple.
Bref. « Cheap » contre « bon marché ». Combat inégal. Je récuse « pas cher » car « pas cher » ce n’est pas forcément bon marché ; c’est, qui sait, le juste prix ? Mais pourquoi, nom d’une pipe, les latins ne nous ont-ils pas légué un « cheap » en latin ? ou les grecs ? les Espagnols tirent leur « barato », paraît-il, du celte « breac’h » (mmouais…) ou du latin « blatta » : blatte, cafard ! Le cafard du truc bon marché… vous voyez le lien, vous ? moi non.
Bon, la discussion reste ouverte. Il est clair que la notion de « bon marché » chez les latins que nous sommes ne passe pas bien, n’est pas naturelle, ne s’exprime pas simplement. Et pour cause, direz-vous ! Ceci étant, quel mot ferait l’affaire ? court comme « cheap », clair comme « billig » ou « barato » ? un mot français, évidemment… vous voyez ?
Tibert
(*) Je me souviens que sur les vols longs-courriers, on disposait, jusqu’il y a peu, de repose-pieds, y compris en classe économique bien serrée. Wouah le luxe !! mais voilà, sur mon dernier vol, plus de repose-pieds. Tant pis, on se cale les panards sur ses godasses roulées dans un plaid. Mais voilà que AF nous vante sa nouvelle classe « Eco Premium », nettement plus chère que la basique éco-éco… avec des repose-pieds !! c’est pas beau, le marquétinge ? à quand les accoudoirs en option ?