Politicogéographie enfantine

Hier j’entendais deux gamins, l’un Canadien du Québec, l’autre lui expliquant qu’il habitait « en Asie« . Où ça ? demande le premier. A Singapour, dit le deuxième. Singapour ? je connais pas… c’est comment ? c’est grand ?c’est grand comme le Canada, mais c’est plus petit.

Certes ! ce n’est pas faux, même si litotique (litotesque ? litoteux ? litotard, tôt ou tard ; bref, c’est une litote). Singapour, 716 km2, mais ils en gagnent tous les jours, avec leurs digues à la hollandaise ; Canada, 9.984.670 km2, et ça leur suffit. Songez qu’on pourrait caser environ 13.870 Singapour au climat équatorial et homogène (5,4 millions d’habitants) dans un Canada qui est seulement 6,7 fois plus peuplé, tellement ça caille dans le Nord…  et qui aurait du coup une population – en partie frigorifiée – d’environ 74.900 millions d’habitants, soit 74,9 milliards, autant dire 11 à 12 fois notre population mondiale actuelle : je préfère ne pas y penser. Ainsi Singapour est-il un « petit » état ? ben non, c’est un état tout court, avec tous ses attributs, et c’est ce que signifiait dans un humour involontaire le deuxième gamin. Il suffit de savoir de quoi on cause… limite plus grand que le Canada, d’ailleurs, vu que Singapour a décrété il y a 50 ans qu’il faisait sécession tout seul comme un grand d’avec la fédération de Malaisie, tandis qu’au Canada on fait encore allégeance à.. . la reine des Grands-Bretons, Elisabeth II – qui se cramponne pour battre le record de longévité de Victoria, et elle va y arriver, tant pis pour Charles !  – ce qui fait un peu tarte, vous en conviendrez.

On parle d’extrêmes, là… un confetti super-peuplé face à une gigantesque surface quasiment presque vide, sauf à la lisière Sud. Moi ça me rebute les extrêmes, je préfère le moyen ; la moyennitude ça me va. Mon pays est moyen, très très moyen, je sais, mais bon. Et puis nous on a les fromages et le pinard, et toc !

Tibert

 

L'érosion du rôdeur

Il fait beau mais frais ici, au lever du soleil sur le lac, juste en dessous du chalet. Les châlits du chalet sont en bois, tandis que les châles du chalet sont en tissu. Et, je puis vous l’annoncer, je n’ai pas vu de châle sur mon châlit. Mais il y a deux jours une amie est morte après moult soins palliatifs « des suites d’une longue maladie », à un âge certes avancé – octante-deux balais – mais si les négligents qui l’ont coloscopisée il y a quelques années avec pour tout commentaire « c’est tout bon » avaient eu les yeux en face des trous, elle serait peut-être encore de ce monde, on aurait pu engager à temps un traitement salvateur, et elle aurait pu se marrer aujourd’hui à la lecture de ce titre du Figues-à-rôts-sur-Toile :

« Trump résiste, les autres rôdent leur contre-attaque« . Mais serait-ce un lapsus révélateur ? car les autres (candidats Républicains à la primaire pour la future élection présidentielle aux USA) rôdent, c’est sûr, rôdent au coin du bois, c’est toujours au coin du bois rond qu’on rôde. Quand à roder, que pourraient-ils roder ? leur contre-attaque, pardi, le Figaro vous l’annonce avec un accent trumpeur, pardon, trompeur.

Le mécanicien rode son moteur, mais la fatigue rôde. La fatigue du correcteur orthographique salarié du Figaro et qui roupillait quand l’erreur lui est passé (et non passée) sous les yeux, ou bien qui fait des pâtés, pas des patés épatés, sur la plage avec son petit-fils, ce que je m’apprête – et non m’apprete – à faire.

Allez, décidément et heureusement le circonflexe garde son mystère, ses arcanes et sa beauté, c’est l’essentiel en ce temps beau, ce temps beau sur le lac. Caussimon le chantait déjà : « Moi je suis du temps du temps beau… »

Tibert, sans accent.

Treni d'estate, Sommer Züge…

J’ai pris le TGV récemment. Grand moment… la technologie française, etc. Mais on est partis avec sept minutes de retard pour attendre un TER qui était à la bourre, enfin, bon, passons. Dans ce TGV, un prospectus (un « flyer », en français) vante une palette de services de distraction à bord desdits TGVs. Des animations à dates planifiées… ce concept porte un nom, et se nomme « Summer Trains« .

Summer Trains… et je me dis que les créatifs sont de gros paresseux. On voit bien, les inventifs de la SNCF pondent un programme pour réveiller le passager somnolent, lui faire lever un cil de son smart-faune chéri ; il faut y donner un nom, à ce programme. Pourquoi un nom ? parce que… admettons, nommons ce programme, un truc pimpant, alerte, qui a du peps. Voyons voir, voyons voir… remue-méninges… (brainstorming, en français)…

Tiens, c’est dans les trains, l’été, que ça se passe… donc, « Summer Trains », « seummeur traïnn’s« , ça vous va ? ah ouais, super. Emballé, c’est pesé. Pourquoi en anglais ? euh… c’est LA langue, non ? et tout le monde comprend l’anglais, donc…

Mais c’est juste la version rosbif de « Trains d’été », rien de plus. Où est l’annonce d’animations ? de  programmes festifs ? elle n’y est pas. Pire, l’anglophone qui lit ça, « summer trains », qu’est-ce que ça lui dit ? il est dans un train, en été, il le sait, ça. Tu parles d’un scoop !

Bref les créatifs de « Summer Trains » sont mauvais, pas créatifs du tout, cossards comme des limaces, à virer d’urgence. Juste capables de traduire, et uniquement en anglais. Tiens, tant qu’à se contenter de décliner « trains d’été », pourquoi pas en suédois, ça aurait une autre gueule : « Sommar Tåget« , avec le drôle de petit rond sur le « a », prononcez « ôô ». Et puis on apprendrait enfin quelque chose ; l’anglais on connaît, merci, on a déjà donné.

Tibert, avec un « å« 

Glissades sémantiques

Glissade, glissement…

Glissade sur le clavier ou volontaire glissement, dans cette délicieuse coquille d’un lecteur du « Monde Sur Toile » à propos de l’alliance entre PS et PRG (le PRG ? quesaco ? l’inénarrable nuance autonome et quercynoise du PS façon patron de presse du Sud-Ouest : le Parti Radical de Gauche. On peut donc être radical et de droite, ce qui se fait bien d’ailleurs : « radical » tout seul ne signifie pas assez, il y faut un qualificatif de précision. « Radical » seul, c’est flou, et « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup« , merci madame Aubry.

Ce lecteur du Monde commente ainsi l’alliance électorale et mochement électoraliste dont je vous cause, à propos de la position des Verts, qui eux ont décliné poliment l’offre de se joindre à cette équipée, arguant qu’ils ne « souhaitent pas monter sur le Titanic » (très jolie formule) : « les écologistes ne prennent le bateau que pour de joyeuses et festives croisières ! Les éjecteurs apprécieront le niveau de responsabilité de l’appareil de EELV« .

Elle est pas belle, celle-là ? Les électeurs apprécieront et rectifieront d’eux-mêmes.

Et puis cette autre glissade délicieuse : monsieur Moi-Président ne se représentera en 2017, promis-juré, que si l’on a pu constater auparavant « une baisse crédible du chômage ». Comprenons, les précédentes baisses claironnées, c’était bidon, c’était du flan, du pipeau, des salades. On s’en doutait un peu. Mais, ça va changer, si si.

Tibert Le Matou Sémantique

Zzzzze, tttte

L’accord, zut quoi…

Le Figues à rôts de ce jour, à propos de madame Hardy, Françoise, ex-chanteuse yéyé de variétés : « Depuis 2004, l’artiste se bat contre un lymphome qui l’a conduit à interrompre… » vous lirez la suite ici si ça vous titille, c’est fascinant les pipoles. mais, mais…

Mais c’est une faute d’orthographe, « qui l’a conduit » : conduit qui ? madame Hardy. Conduit-e !  madame, féminine., donc accord puisqu’on sait qu’il s’agit d’elle quand on écrit « conduit ». Conduite. J’ai conduit madame Hardy, madame Hardy a été conduite. Ou conduite à ceci, celà…

D’aucuns cependant argumentent à l’opposé : si « conduit à… » précède un verbe, on n’accorde pas. Voir cette page Yahou. Hélas pour cette argumentation, dans {« conduit à » + verbe} le sujet du verbe n’est autre que celui / celle / ceux qui ont été conduit-e/s. Et donc ça s’accorde. « Conduite à interrompre« , car qui interrompt ? madame Hardy, féminine, oh combien. D’accord, au Figaro ?

Plus banal, et ne prêtant pas à pinaillage : « Où t’as mis ma chemise ? – je l’ai mis à la poubelle« . Mis-e : la chemise est mise dans la poubelle, ou là où ça vous chante, mais avec l’accord. Chemise, miszzzzze.

Tibert, Zzzz

De la perruque

C’est lyonnais, paraît-il, comme les gônes (les minots des Marseillais), les godiveaux (les chipolatas des Parigots) et Gnafron, le pote à Guignol. « Faire de la perruque » (l’édition lyonnaise du Figaro écrirait faire du perruquing), ou simplement « la perruque », c’est utiliser le temps dû à son employeur et les moyens de son entreprise pour des tâches personnelles. Rien à voir donc avec le coulage : ponctions sur les biens de la boîte, ce qui en français s’appelle du vol… la perruque c’est innocent, indolore et très commun.

Vous êtes soudeur ? vous apportez au boulot le cadre de vélo de votre gamin, qui a besoin d’un point de soudure ; si vous êtes cantonnier municipal dans la bonne ville de Grognons-sur-Bezouille, vous faites un petit détour avec le tracto-pelle de la ville pour aller dépanner un pote qui a besoin d’araser une butte derrière son garage… le gasoil, le temps de travail, l’emploi de l’engin ? c’est cadeau (*). Sympa, l’employeur, merci la mairie de Grognons-sur-Bezouille !

Au fait, pourquoi je vous écris tout ça ? et d’où ça vient, la perruque ? bonnes questions. A la première je répondrai que ces temps-ci j’observe des masses de perruque autour de moi… que de perruques ! et à la seconde, je vous donne le latin « pilus » qui deviendra poil, pillucare etc… et puis la perruque capillaire relevant du maquillage, du relooking (merci le Figaro-Madame) en douce, la perruque s’y apparente par son caractère de petite bidouille personnelle maquillée en bon boulot franc du collier. Tenez, cultivez-vous, lisez donc cette instructive  page Wiki sur le sujet.

Hélas, et bémol d’importance à la sympathique perruque : les retraités en sont privés. On ne peut pas être et avoir été…

Tibert

(*) Allez, tout ça c’est à la bonne franquette. Echanges de bon voisinage… je vous aplanis votre terrain, vous me mettrez 2 cartons de boîtes de haricots verts prélevés sur les réserves de la cantine scolaire. Tombés du camion, eh oui.

Syndrome, priez pour nous

Les sénateurs, qu’on ne soupçonne pas de souffrir de surmenage, viennent de décider que, décidément non, le burn out n’est pas à mettre au nombre des maladies professionnelles, comme l’asbestose des ouvriers de l’amiante, la silicose des mineurs, la dermite des maçons et j’en oublie. Non… au fait qu’est-ce que c’est ce machin, là, le burn out ? brûlé dehors, brûlé complètement. C’est clair, non ? burn out ? allez, je vous le dis : on s’est totalement épuisé au travail, on est lessivé, broyé, raplapla. Voyez comme en juste deux mots les anglais savent exprimer ce qui nous prend des phrases entières !

Remarquez, nous aussi on sait faire ça : c’est la technique du concept ; un mot convenu représente des formes, des objets, des concepts (encore la récursivité). Tenez : « syndrome« , juste un mot, UN mot, qui signifie « ensemble de signes cliniques et de symptômes qu’un patient est susceptible de présenter lors de certaines maladies« . Eh oui, tout ça.

Donc, le burn-out a un équivalent français, ce qu’ignorent soigneusement nos journaleux toujours aussi anglolâtres. C’est le « syndrome d’épuisement professionnel » (j’écrirai SEP pour faire court, faut faire court, coco). Donc le Sénat considère que le SEP n’est pas une maladie professionnelle. Pourquoi ? parce que le SEP est transversal, qu’il touche aussi bien le boulanger que le peintre, le tôlier que le chef comptable. Le SEP n’est pas l’apanage d’une profession. C’est du moins ce qu’il disent, les sénateurs.

Eh bien les sénateurs ont tout faux : c’est AU BUREAU que le SEP frappe, ce sont les bureaucrates qui ont découvert leur épuisement au bureau, leur SEP. La preuve : c’est monsieur Benoît Hamon, le député frondeur, qui a déterré le SEP, qu’en bon historien il nomme burn-out. Notons au passage qu’on peut faire l’économie du « syndrome » : l’épuisement professionnel, ça devrait suffire, au diable le syndrome, qui alourdit inutilement ; et puis l’épuisement professionnel comme maladie professionnelle, ça redonde beaucoup. Evidemment que c’est professionnel ! ça s’appelle le surmenage, en français. Et là, du coup, « burn out » contre « surmenage », c’est le français qui gagne, on est plus concis.

Tout ça pour dire que le surmenage au bureau – parce qu’il s’agit de ça, rien que de ça – c’est très banal, pas du tout du genre maladie professionnelle, et heureusement. Sinon on devrait y classer aussi la gastro-entérite ou le rhume qu’un confrère de votre plateau paysager vous a gentiment refilé. En y réfléchissant bien, c’est très mortifère, le bureau, très délétère ; mais si l’on classe le bureau au niveau de dangerosité des mines de potasse ou des abattoirs de volaille, c’est le trou de la Sécu qui va atrocement béer.

Tibert

N'y veau pas grand-chose

On se bat sur la réforme du collège, la dernière, là, avant la prochaine. Madame NVB la ministre de l’Educ’Nat’ est vilipendée ici, encensée là, mais au total un large consensus se dégage assez bien : c’est la médiocrité pour tous qui se profile à l’horizon. Défense de briller, ça fait de l’ombre aux plus faibles, ça les stigmatise, et il est interdit de stigmatiser.

Dans le Figaro, canard peu suspect de supporter les initiatives de Mme NVB, une « lettre ouverte » vient de paraître, et ma foi si vous vous intéressez au devenir de l’école de la République, mettez-y le nez ;  mais moi ce qui m’interpelle c’est le chapeau de l’article introduisant cette lettre ouverte, je cite :

« 76% des enseignants considèrent que la réforme du collège va niveler par le bas le niveau des élèves. »

Le niveau baisse, vous vous en rendez bien compte, et notamment chez les journaleux, où l’on nivelle le niveau à qui mieux mieux. On va bientôt finir au niveau du caniveau.

Tibert

Enfreinte, eh oui

J’ai appris plein de choses et je m’en vais vous en faire profiter, car je suis assez partageux. Il se trouve que je lisais dans le Monde-sur-Toile un fort intéressant point-de-vue intitulé « Et si on payait pour Fesse-Bouc ?« , ébahi à découvrir que l’on passe 20 heures par mois en moyenne sur ce site www.fessebouc.com : je suppose que ça ne concerne que les gens qui fréquentent ce site ? parce que personnellement… d’ailleurs je n’utilise que le compte Fessebouc de ma louloute – ça fonctionne pareil, sauf que c’est un compte pour deux – pour y chercher de vieilles connaissances, en pure perte d’ailleurs : mes “petites amoureuses” façon Jean Eustache ont disparu du champ des radars, ayant sans doute changé de patronyme, et puis les autres… à quoi bon, hein ?

Bref… je lis dans l’article sus-cité ce slogan superbe, que je vous conseille de marquer au feutre rouge sur la porte de votre frigo : “Si c’est gratuit, c’est vous le produit“. Eh oui, FesseBouc est gratuit, et c’est ma foi vrai : on vous connaît, on note tout, on sait vos coupables penchants pour les galettes au beurre salé ou les maillots de footballeurs, on connaît votre angoisse de grossir, et on vous marchandise, on vous markétise, vous êtes cerné !

Et je lis ça : “… les inquiétudes vont grandissantes sur les enfreintes à la vie privée qu’induit cet hyper-ciblage publicitaire“. Moi j’aurais écrit “grandissant”, pas “grandissantes”, s’agissant d’un participe présent, d’une progression. Mais bon, passons. Ce qui importe, c’est l’enfreinte ! enfreinte ? eh oui, enfreinte, ça existe, terme juridique qui désigne le fait d’enfreindre une règle – pas une loi. Et, notez bien, l’enfreinte est à l’infraction ce que l’incivilité est au délit : vilain pas beau, mais pas grave, véniel, quoi. Enfreinte aux règles du savoir-vivre, infraction au Code de la Route. Vous voyez le truc.

Ce billet jubilatoire témoigne donc du fait que j’ai appris un mot nouveau ; c’est très chouette et tiens, je vous le mets en pratique aussi sec : monsieur Valls est allé vite fait en avion de Poitiers (congrès du PS) à Berlin (match de foot) et retour : c’est un aficionado du Barcelone-Football Club. Il se dit que ce voyage était aux frais des contribuables. Devinette : si c’est avéré, est-ce une enfreinte ? une infraction ? une faute politique ? ou aucune des trois ?

Tibert

La raie euh… l'arrêt public ?

Les ex-UMP’istes se désignent eux-mêmes désormais comme « Les républicains ». C’est supposé chouette, « les républicains », la république… « La ré-pu-bli-queu nous z’appèè-leu », nous connaissons. Confiscation par la droite classique d’une noble idée ? d’aucuns s’indignent, ce serait un hold-up. Mais voyez comme la « république » est malléable, protéiforme :

La République de Weimar

La République de Salo

La République Démocratique du Congo

La République Populaire Démocratique de Corée (sic)

La République Démocratique Allemande (re-sic)

La république Socialiste Soviétique

La République Islamique d’Iran

La République Bananière de… (compléter).

Voyez, la république, petit-r ou grand-R, ça prend toutes les formes possibles ; la république c’est une page blanche, on y écrit ce qu’on veut. Le pire ou le meilleur.

Tibert