4 %, l'épaisseur du trait

Cent-cinquante-mille euros sur trois virgule neuf millions, c’est  un peu moins de 4%.

Quatre pour cent : supposons que je me fende d’une super-bouffe à 4% de mon salaire annuel, histoire de claquer du fric, histoire de faire sauter des bouchons un peu huppés – Hermitage, Morey-Saint-Denis, que sais-je ? – histoire de faire la fête ?? bon, dans une fourchette de 20.000 à 40.000 euros de salaire annuel, ça donne de 800 à 1.600 euros. Budget assez confortable, non ?

Mais si nous sommes 50 à festoyer, ça ne donne que de 16 à 32 euros par tête de pipe : nettement moins confortable, hein ? remplacez-moi le Corton-Charlemagne par un petit Corbières, ça suffira. Et les truffes en salade, heu… un museau-vinaigrette, c’est pas mal, non ?

Voilà… c’est (mutatis mutandis, comme disait Cicéron) à peu près ce qui est arrivé aux convives d’une bouffe à Monaco, 50 courtiers d’assurances invités par la banque Fortis. Budget : 150.000 euros (3.000 euros par tête). Cent-cinquante-mille euros, soit, aux dires des journaux économiques, 4% du salaire annuel du patron de la boîte. Lui aussi a le droit de casser sa tirelire de temps en temps pour faire la fête, non ? Surtout que sa banque ayant été renflouée et sauvée de la faillite par l’Etat Belge, fallait marquer le coup. Allez, Champagne ! on comprend ça, faut se consoler, pas se laisser gagner par la déprime…

Ah bon ? c’est pas lui qui payait ? c’est passé en frais de boîte ?? ah bon.

Va, petit, mousse !

(… » le vent te pousse », refrain bien connu extrait de l’opérette « Les cloches de Corneville » – fin de la séquence Culture)

. Et les cloches, c’est nous. Les journaux, télévisés, web, papier, font plein de mousse sur l’essentielle question : « faut-il avoir peur pour vos sous ? « . Et que ça mousse et que ça mousse, et que je te fais mousser tout ça. Et la vente de coffres-forts qui grimpe de 20 %, et le fils du beau-frère d’un ami de ma concierge qui a été retirer ses sous de la banque, et les petits épargnants gnan gnan…

Assez clairement, on devine que sous prétexte d’information, on fait mousser, on amplifie, on boursoufle, on biaise, on étale, on tartine, on pousse à la roue (ici, à la panique) : et si la mayonnaise prenait, hein ?  ce serait rigolo.

On verrait les retraités recevoir leur pension par transport de la Brink’s, les salariés exigeraient chaque semaine une enveloppe pleine de billets, les cartes bancaires étant peu fiables, on se déplacerait tous avec des valises de fric pour acheter nos patates… intéressante perspective.

PS : le baril de pétrole est « tombé » sous les 75 dollars : soit grosso-modo un peu plus de la moitié de son pic historique. Chiche qu’on retrouve très bientôt le litre de fioul sous les 1 euro à la pompe ? chiche. On peut toujours rêver.

Pédale, mais pédale, on a plus de jus !

Je lis ça… c’est une réaction à un discours du p’tit Nicolas disant en substance : « les voitures électriques, faut y aller, et plus vite que ça ! ».

« L’association Greenpeace et le Réseau Sortir du nucléaire (RSN) estiment que le développement d’un parc de voitures électriques n’est acceptable que si l’électricité ne vient pas du nucléaire. »

La voilà qu’elle est bien bonne ! Il nous faudra donc pour nos voitures propres de l’électricité pure et verte, kasher, hallal, bénite par nos saints pères, rabbins, muftis, ayatollahs de la Grande Verdure Verte ! Mes amis, nous disent-ils, refusons – comment on va trier la « bonne électricité, je sais pas, mais c’est un détail – l’infâme jus nucléaire d’EDF, nucléaire donc affreux, sale et méchant par définition, bien que pas du tout producteur de CO2. Et vive donc les énergies électriques vertes, l’éolienne sur le toit de l’immeuble, le panneau solaire sur ma cabane de jardin, mon petit moulin à eau dans le ruisseau du bas du pré, la dynamo branchée sur le vélo d’appartement, la turbine à pipi dans les urinoirs, le vilebrequin attelé à la queue du chien auquel on montre un nonos, ou, variante, l’alternateur branché sur la roue-cage du hamster (là, un morceau de fromage est plus éfficace).

Les chants désespérés sont les chants les plus beaux, certes ! mais les discours les plus cons sont aussi les plus désespérants.

Limite, vraiment limite

La Bourse baisse baisse baisse… les bourses, en fait, un peu partout sur la planète, sauf les miennes, évidemment 😉  et le monde financier boursicoteur petits-z’épargnants traders etc etc, de se couvrir la tête de cendres.

Mais mesdames-messieurs, d’abord, au lieu de pleurer, achetez !! achetez achetez, on achète au son du canon et l’on vend au son du clairon, c’est ce que me disait mon papa. Pas chères les actions en ce moment.

Deuxièmement, ça baisse ça baisse d’accord, mais jusqu’où ?  vous connaissez le paradoxe, on coupe le gâteau en 2, il en reste… encore en 2, il en reste, encore en 2 etc etc… et il en reste toujours !! Miracle des mathématiques, certaines fonctions ne s’annulent, quoique rampant au ras des pâquerettes, quasiment jamais, disons au bout du bout du bout de la fin des temps. Donc, supposons que la valeur baissière des actions soit une fonction asymptotique ? du genre 1/x, où x serait la mesure (non nulle, eh oh, sinon c’est le « stack overflow, zero divide » assuré !!) de la confiance de l’économie américaine dans les dispositions anti-crise prises par l’administration Bush ?

Tiens, un tuyau : achetez donc du lithium (LI chez M. Mendeleev *), ce métal bizarre et léger, qui sert maintenant de panacée pour les voitures électriques que l’on ne cesse de nous annoncer, mais que nous ne voyons toujours pas : du lithium, il en faut pour les batteries, et il paraît que ses ressources sont minces, voire maigres. Donc, hop, j’achète du lithium, sûr que ça va monter. Et ça sert aussi en médication des troubles psychiatriques graves : alors, vous pensez ! pas d’hésitation, achetez du lithium, stockez le où vous pouvez, dans votre baignoire, tiens, comme l’essence en Mai 68.

(*) Le tableau de ce cher vieux Mendeleev : je me le rappelle comme si j’étais encore sur les bancs du cours de chimie… ceci grâce à mes petits anti-sèches… tiens pour la ligne 2 du tableau, celle du lithium, donc :  » Lise BEuglait Beaucoup Chez Notre Oncle Fernand NEuneu ». Si vous êtes sages, je vous donne bientôt l’antisèche pour la ligne 3.

Nuit, gravement…

On pourrait, « Pour votre sécurité », généraliser les messages d’avertissement sur les emballages : sur les barres Mars les barres Lion et consorts, les biscuits fourrés au chocolat les sucettes les rochers à la praline les… mais encore :

« Manger gras tue » (sur les paquets de beurre)

Sur les télévisions, en travers des écrans de pub’ : « Nuit gravement à votre Q.I. »

Sur les billets d’avion : « Nuit gravement à la couche d’ozone ».

Sur la plupart des produits marchands : « Nuit gravement à votre pouvoir d’achat » (*)

Et j’écris ça, la nuit, gravement…

(*) passer la TVA des coupe-faim du genre barres chocolatées à 19,6 ? % idiot. C’est un moyen déguisé d’augmenter la TVA tout court. Pourquoi pas les frites, le cassoulet, le confit, le miel, l’huile d’olives, le beurre… très calorique, tout ça !!

Et puis, dans le même esprit « Pour votre santé, attention à l’abus de… », passons donc, en sens inverse, la TVA sur les fruits-z’et-légumes à 2% : les haricots verts du Kenya, importés par avion en février, les fraises du Chili, les mangues de l’Equateur…

Sens inique

Je me fais rare ? je sais, j’en souffre, j’en souffre, vraiment. Cher journal ! Si j’avais une ligne Internet, comment que je t’en ajouterais, des billets et des billets ! Que je t’enrichirais de mes profonds aphorismes et piquantes saillies (de ch’val).

Mais passons, justement, je dispose d’une ligne Internet, luxe suprême ; vite un billet !

Il s’agit d’enrichissement, si l’on peut dire. GW Bush, encore Président of the United States pour 2 mois, nous annonce qu’on va lancer une grosse bouée aux banquiers, au système financier, aux naufragés du fric à tout va. Et donc, pour ces mille milliards de dollars de bouée, on va ponctionner le contribuable, eh oui, ma pôv’dame, encore une fois, wane maur’taïme, cher contribuable, ayez l’amabilité de retourner vos poches, il doit bien y rester quelques piécettes, quelques quarters… pour sauver le Système Financier, noble cause !

Le problème, c’est que lorsque le système financier fait du fric par tous les trous, lorsque les banques annoncent des profits très profitables, des résultats juteux, eh bien, le contribuable n’en voit absolument jamais la couleur ; jamais, non jamais les banquiers ne raclent leurs fonds de poches bien garnis pour distribuer un peu de blé aux contribuables. Les actionnaires, ah ça oui, éventuellement. Mais pas les contribuables.

C’est l’illustration d’un superbe sens unique / inique (in-equis : pas équilibré) : nous avons besoin du système bancaire, c’est patent ; il faut le sauver ? ça peut se concevoir : si demain les banquiers mettaient la clé sous la porte comme de vulgaires épiciers ruinés par la grande distrib’, ça ferait désordre. Et le système bancaire a besoin de nous, pour engranger nos sous.  Pour les collecter quand ça va bien, pour les quémander, pleurer, réclamer, quand ça va mal.

Les grands patrons (banquiers ou pas) connaissent bien ce système du gagnant-gagnant (win-win, qu’ils disent) : si la boîte fait des profits, on touche des dividendes ; si elle prend l’eau, on déploie le parachute doré, le Golden Parachute.

En revanche, pour le contribuable, c’est manifestement le système perdant-perdant.

Pasletempspasletempspasletemps

Mais si, prenons le temps de rédiger et mettre en ligne un petit billet vite fait, dès potron-miaou. Passons vite fait sur le budget du Sénat, 300 millions d’Euros par an et sur notre dos pour nourrir (très bien) et garder au chaud (bien douillettement) quelques pré-retraités de la politique. Nous avons déjà glosé sur ce sujet.

Donc, disais-je, l’INC, célèbre observateur de notre consommation, se fend, selon notre Figarôt du matin, d’une enquête sur les pratiques douteuses des industriels de l’alimentaire pour nous cacher leurs augmentations de prix (et donc de marge, l’unique objet de leurs préoccupations). Eh bien, nous voilà confortés dans l’opinion que nous avions sur ces fabricants de soupe. Pas flatteur-flatteur, bon, disons… désabusé. La malbouffe et l’arnaque sont souvent au rendez-vous.

Mais v’là t-y pas que, selon le même article, je cite, « Jean-René Buisson, président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) se dit «réticent sur la qualité des enquêtes» du magazine de l’INC. D’après lui, «en général, il n’y a augmentation de prix que quand il y a un changement de recette, donc quand il y a une valeur ajoutée au produit.  »

Que voilà une chouette définition de la VALEUR AJOUTEE !! Je vous remplace le bon beurre fermier de ma tante Aglaé par de la margarine à l’huile de palme bien hydrogénée, bien collante dans les artères, bien bouchante des coronaires, bien bon marché, pas chère de chez pas cher, et c’est un changement  de recette : DONC il y a valeur ajoutée !! si si.

Monsieur Buisson, nous n’avons pas les mêmes valeurs (ajoutées).

Justice, enfin

Oui, ce n’est que justice, et ça fait des lustres que nous le réclamions : dans un peu plus de 3 mois nous pourrons enfin confier notre épargne menue à n’importe quel banquier dans le cadre céleste du Livret A, « A » comme « Ahhhhhhh enfin, quelle saleté que ce livret A réservé à la Caisse d’Epargne la Poste et le Crédit Mutuel. »

Et ahhhhh enfin, Benoît nous annonce benoitement la « libéralisation de la messe en latin » : « Dans son intervention aux accents de mise au point, et qui a été assez tièdement applaudie, le pape a également évoqué une question particulièrement sensible en France, celle de la libéralisation de la messe en latin. »

On va enfin pouvoir, comme au bon vieux temps, et dans n’importe quel établissement muni d’un clocher – actuellement, faut aller à St Nicolas du Chardonnay, euh, pardon, du Chardonnet – pour écouter et ne comprendre que pouic au galimatias magique du type en robe richement dorée et passementée qui s’agite là-bas sur l’estrade, pendant qu’un autre type à genoux, habillé en robe rouge, agite une clochette en soulevant le coin de la robe du premier (pour voir ses chaussettes ? ). Ce sera bien mieux comme ça, car la qualité littéraire des  « Par les verts pâturages / tu m’as fait reposer… » laisse sérieusement à désirer. Tandis que « tamquam leo rugiens, circuit querens quem devoret« , ça vous a une toute autre gueule (de lion).

ça folleye dur

Il y a un type en robe blanche, si si, en robe blanche, c’est un homme, avec une petite calotte de la même couleur, qui se balade dans Paris, assis dans un aquarium monté sur une bagnole, saluant à droite à gauche, et il y a des gens qui sont là à bader, on ne sait pas trop ce qu’ils foutent là à regarder passer ce type.

Et il paraît qu’une femme a mis au monde un  gamin tout en étant vierge, que de ce fait elle est montée au Ciel, il y a environ 1970 ans, et qu’elle est revenue il y a environ 150 ans (avec le même ascenseur ?? ) voir la Bernadette Soubirous qui gardait ses moutons au bord du gave de Lourdes, pour lui parler en patois.

Dans la même veine, j’ai pu voir le Président Bush lui-même, s’adresser aux Texans devant son micro :  c’est pas grave, l’ouragan Ike sur Houston c’est rien, on va prier pour vous. Ahhhh, on se sent mieux.

Donc tout va bien. N’ayons pas peur, tout baigne. D’ailleurs Benoit vous le redit, après Jean-Paul : ayez pas peur, ça craint pas…

Dans quel état j’erre ? où cours-je ? et dans quel monde dément vivons-nous ?

Discount' bouffe

Je dinais récemment avec ma petite famille dans un resto « vietnamien » (nems, rouleaux de printemps, et l’inévitable combinatoire porc-boeuf-canard-poulet / gingembre-pousses de bambou-germes de soja-aigre-doux-curry-etc…) un soir où la vacuité du frigo, la lassitude des coups de téléphone à Pizza’Vroumvroum nous avaient poussés dans une voiture, direction un restaurant réputé.

J’ai payé 69 euros pour nourrir – inégalement – quatre adultes, le plat le plus cher tournant autour de 14 euros : ni apéritifs ni vin, de l’eau du robinet. Une entrée et un plat chacun, pas de desserts. Rien donc de scandaleux quant au prix, banal.

Mais… si d’autres plats furent appréciés et dégustés avec plaisir, le mien – du cabillaud en sauce épicée et aux « petits légumes » – s’est révélé trop salé, le poisson filandreux et dur, sans saveur, et la sauce se résumant à un brouet sombre, genre fond de veau trop recuit. Qui plus est, aucune garniture consistante n’y figurant, j’avais dû y adjoindre l’incontournable bolderiz, riz d’ailleurs sans aucun intérêt gustatif, juste apte à caler l’estomac et éponger la « sauce » du plat. Mais 2,5 euros de plus.

Alors je me dis : il y a bien des soldes, des promos, des magasins d’usine pour les produits à « courte date de péremption », imparfaits, dépareillés, non suivis, passés de mode, en surstock… et cela dans quasiment tous les domaines du commerce. Des porcelaines, des tapis, des chaussettes, des filets de saumon sous barquettes, des cuisines… de tout.

Mais pas au restaurant. Jamais. Tout au plus voit-on parfois, dans le milieu des « Bouff’vite » en barquettes polystyrène, des promos sur le « triple chiz’beurgueur » ou les « salades tex-mex au haricot rouge », mais jamais jamais dans un restaurant normal.

Il existe en fait, dans cette profession, deux types de pratiques pour écouler en douce les vieux stocks : la première, « je vous recommande tout spécialement nos langoustines, elles sont ultra-fraîches » (faut qu’on s’en débarrasse, ça urge), ou le foie de veau (racorni) poëlé aux agrumes, ou la (vieille) cassolette de saint-jacques ; l’autre technique consistant à inscrire les plats à dégager urgemment au menu prix fixe et sans choix.

Mais imaginons une pratique plus transparente, plus sincère, plus marchande : « aujourd’hui le chef a légèrement trop cuit ses rognons de veau, et vous les propose à 10 euros au lieu de 13 » ; ou « Cabillaud en sauce piquante, petits défauts d’assaisonnement : 8 euros au lieu de 12 » ; « soldes monstres 50 % sur les langoustines encore fraîches mais cotonneuses » : ça, jamais !

Pourtant, des plats loupés, ça arrive, non ? Alors, pourquoi infliger le prix plein pot au client, qui, bien évidemment, va rentrer chez lui dépité et mécontent ? Risquer de le dégoûter de revenir ? Lui donner le sentiment de s’être fait avoir ? Bien évidemment, s’il s’agit d’une gargotte de bord de Nationale qui ne voit jamais revenir la clientèle de passage, ce n’est pas très grave (encore que les guides, forums, échanges de bonnes ou mauvaises adresses, ça existe…), mais pour un resto établi, ayant pignon sur rue dans une ville ?

Baisser les tarif des des plats qui sont boudés, fatigués, loupés… ce serait à la fois honnête et habile. Donc, messieurs les bistrotiers, restaurateurs et cuistots, à quand les soldes ?

PS – ponctuellement, ça se fait, mais en général sous la pression du client. Il me souvient d’avoir même bénéficié de la gratuité totale d’un plat, un jour de juillet dans le quartier Plaka, à Athènes. Ma moussaka se présentait bien, mais, soulevant une strate de légumes et de sauce blanche, j’y avais découvert une grosse mouche noire et velue, morte et cuite. Beurk ! appel au serveur, panique à bord, plat non facturé, bien évidemment, avec proposition de remplacement, mais je n’avais plus faim.