Embâcles et cadenas d'amour

J’ai enrichi mon vocabulaire ces jours-ci : l’embâcle ne faisait pas partie de mes mots, beaux ou laids. Remarquez, celui-ci est laid, carrément. Moche, l’embâcle, entassement inextricable de branchages, de débris végétaux, de boue et de vieux pneus, cafetières percées, sacs de supermarchés… ad libitum, le tout faisant bouchon, l’embâcle bloque les courants torrentiels des torrents cévenols en crue, avant de lâchement céder, libérant d’un coup la masse d’eau furieuse. Mortel embâcle, mais dont les 7 lettres – 8, au pluriel – seront bienvenues au Scrabble, au circonflexe près.   A quelque chose malheur est bon, ça c’est bien vrai, ça.

Autre chose, justement : les « cadenas d’amûûr » (comme dirait Johnny) du Pont des Arts, à Paris, et les grilles latérales de parapet qui les accueillent – des dizaines de tonnes de ferraille hautement symbolique, un poids passionnel considérable – ont commencé à disparaître, au profit de superbes panneaux de verre, transparents, lisses et immaculés. Impossible d’y accrocher le moindre gri-gri, sauf à la ventouse ou à la colle (*). Les cadenas d’amour ne pourront plus faire embâcle, en cas de crue de la Seine. Bien vu, quoique cher – du verre trempé, évidemment – sauf que je vous parie un paquet de cahuètes que dans moins de 8 jours les panneaux transparents seront devenus opaques et dégueulasses, comme toute surface lisse disponible et accessible à Paris : tags multicolores, peintures diverses, rayures « esthétiques » ou paraphes sybillins au culot de bougie automobile rivaliseront d’inventivité crasse. A quelque chose malheur est bon, là aussi : Monsieur Lang, Jack, trouvera ça très beau ; et puis on remplacera les panneaux souillés par des neufs, etc, etc. Suffit de payer.

Tibert

(*) à la colle, pour des cadenas d’amour ! avouez, ça la fout mal.