1871, pieusement

C’est un truc que pointait CNews (*), hier soir, autour de vingt heures ; un fait divers qui, s’il avait mis en scène des musulmans ou des israélites, aurait forcément agité les rédactions à TF1, France 2, Arte et tutti quanti ; on aurait gravement traité de MachinTrucPhobie, les bonnes âmes auraient glosé sur la montée de la violence, inadmissible, faire barrage, gnagnagna… Mais là, que pouic ! silence radio et télé. C’était une petite manif’ comme tant d’autres – autorisée, paisible évidemment, avec UN flic, pas deux, comme dispositif de sécurité ; mais une manif-procession à contre-courant, puisqu’en mémoire de religieux catholiques fusillés par les Communards de 1871. Banderoles tricolores et pieuses, cantiques, paroissiens plus ou moins chenus, nonnes et scouts… et donc c’était insupportable, une provocation : une lecture de La Commune de Paris à l’envers ! une version versaillaise de l’Histoire ! Les « Antifas » et autres adorateurs de la Véritable Commune de Paris leur sont donc rentrés dans le lard, insultes, coups, pugilats. Echantillon de l’ambiance : « A mort les Versaillais ». Tenez, c’est ici pour en voir un bout.

Voilà donc nos télés gouvernementales muettes sur le sujet : c’est un sujet qui ne mérite rien, ou plutôt qui veut qu’on n’en dise surtout rien. Et d’une, la notion et le délit de christianophobie n’existent pas – contrairement aux deux autres religions dites « du Livre ». On peut donc, c’est normal, haïr impunément, insulter et taper sur les grenouilles de bénitier, les curés en soutane ou en clergyman, et les cathos en général. Mettez à la place un défilé musulman, ce serait une autre musique ! Et de deux, ces gens-là vont à contre-sens de l’Histoire de la Commune, telle qu’on la commémore pieusement et consensuellement à gauche. Ils ont tout faux ! Donc on cogne dessus, quoi de plus banal, normal ?

Il est même étonnant que nul, parmi les zélateurs de l’Histoire à lecture unique, n’ait encore réclamé la démolition du Sacré-Coeur, cette hideur sur la Butt’ Montmêrte, insulte au Roman National, bâtie pour « expier les crimes des communards ». Et puis, comment n’a-t-on pas encore proposé de débaptiser les nombreuses et choquantes avenues Thiers, de rayer de l’histoire de France Galliffet et autres répresseurs ? Ce serait bien dans le vent, quand d’aucuns veulent déboulonner Colbert, cet ignoble colonialiste.

Tibert

(*) La pluralité dans l’information est tout sauf un vilain défaut ! C’est très pénible de voir rabâcher tous les jours les mêmes antiennes par les mêmes journaleux compassés, brandir les mêmes valeurs creuses et incantatoires. Et puis hop, un petit coup de « Dernier Sabotier d’un délicieux petit village », et puis une séquence sur « L’amicale des Replanteurs de Haies Bocagères », ou un micro-trottoir sur la plage pour interviouver les vacanciers occupés à bronzer recto-verso : ça donne de l’onctuosité, ça aide à faire passer la morale-purée lisse, lénifiante et bi-quotidienne du Journal Télévisé.