Vous avez remarqué ? le sémillant ministre du Raidissement Progressif, qui, soit dit en passant, joue sa partition assez en solo, nous exhorte tous les quatre matins à acheter, à consommer, et donc à produire du made in France… lamentable !
Tenez, pourtant, sur les journaux-réclames qui abreuvent ma boîte à lettres, et que parfois je me laisse aller à feuilleter – c’est un instant de faiblesse, le « cerveau disponible » cher à monsieur le PDG de TF1 – on peut lire du vrai français : « transformé en France » (c’est de la quiche industrielle aux lardons de batterie), « élaboré en France » (pizza surgelée façon carton peint), et pas « made in France » : ce sont des publicités patriotes, des dépliants trichromie fiers de leurs racines – à ceci près qu’ils persistent à nous infliger des « display 2,8 pouces » quand un « écran 7 cm » serait tellement plus clair. Fabriqué, transformé, élaboré, fait, conçu, produit… en France – avec des mensurations compréhensibles, c’est encore mieux. Produit en France, ça vous irait ?
Car, si l’on est cap’ de produire chez nous, on doit pouvoir l’annoncer, le claironner dans notre langue, non ? ça dépasserait l’entendement des acheteurs étrangers ? ça nuirait à nos exportations ? alors faisons comme dans les notices de montage Ikea, destinées aux analphabètes, je ne sais pas, moi… créons le pictogramme « produit en France » pour les nuls : une clé à molette (indispensable pour produire, la clé à molette !), un drapeau bleu-blanc-rouge, ou un hexagone, une baguette de pain, un béret, un coq, que sais-je , sur fond tricolore, évidemment. Ca vaudra toujours mieux que de l’anglais élaboré en France.
Dans la même dé-veine, je découvre ce matin, atterré, un article truffé d’anglicismes dans, évidemment, devinez ? pas dans le Daily Mail, non, non, dans le Figues-à-rôts. Le titre : Fooding 2014. A quoi ça ressemble, ce mot hideux, fooding ? même les Anglais ne l’oseraient pas, tant c’est moche, utilitaire, bourratif. Nous prend-on pour des animaux de batterie ? tenez, un court extrait, la Bérézina du langage : « …À l’image de ce triple-prix pour la street food (même si top qualité) des super-chefs… » : vous voyez le désastre ? le Redressement Linguistique urge, je vous le dis, moi. A nous les savoureux casse-croûtes de rue, les fricots-trottoirs, tiens, et les bonnes bouffes, les mâchons, restaus et troquets – les bons ! et laissons le fooding aux silos des stabulations.
Tibert