Je lisais ça dans le Monde d’hier soir : « Réformer l’ortografe pour l’enseigner« . Intéressant et bien documenté, émanant clairement d’un enseignant qui a de la bouteille et de la jugeotte. L’illustration – une gamine de CE1, de CE2 ?? – qui découvre un mot dans le dico m’a irrésistiblement rappelé l’illustrissime tableau de Munch « Le cri », à ceci près que la gamine ne serre pas les deux oreilles au creux de ses mains, car il est bien évidemment interdit de crier en classe, donc inutile de se protéger les tympans. Et puis le cri du monsieur de Munch n’était peut-être pas motivé par la découverte d’un mot dans le dico…
Bref, terminons-en avec Munch ; la réforme de l’ortografe appelée ici des voeux de M. André Chervel a pour but de dépoussiérer cette discipline, et surtout explicitement – c’est dit plusieurs fois – de lui ôter son caractère élitiste. « Il faut que tous les jeunes, dans l’avenir, maîtrisent une orthographe simplifiée. Qu’elle ne devienne pas l’apanage d’une classe cultivée. Une orthographe de caste. Car la contrepartie de la réforme, c’est bien le retour à un enseignement rigoureux de l’orthographe. »
C’est donnant-donnant, en somme : définissons un ensemble de simplifications raisonnables, et ensuite soyons fermes sur l’apprentissage. Ce qui sous-entend clairement qu’aujourd’hui l’enseignement de l’orthographe n’est pas rigoureux ! disons-le, l’orthographe est à la dérive, à la godille, les enseignants (sont-ils seulement bons en orthographe ? ) ont baissé les bras, et les raisons en sont simples : l’étymologie s’est fait la malle, plus de latin-grec, donc plus de racines… et puis ce peuple est de plus en plus instruit, en pourcentage – voir les résultats du bac’ – mais de moins en moins capable de verbaliser, de construire un discours, de formaliser une pensée quelque peu structurée. Il puise désormais sa mythologie chez Dallas, Plus bêle la vie et Sacrée soirée, où les sous-titres brillent par leur absence, ce qui ne favorise guère l’apprentissage des mots. D’ailleurs on n’en utilise qu’un millier, alors…
Réformons donc, ce n’est peut-être pas inutile là où des orthographes aberrantes se sont incrustées, là où des formes archaïques sans fondement perdurent ; mais de grâce, qu’on arrête de s’accrocher à la queue de l’ignorance, de mettre notre idéal au niveau du miteux. Les élèves des années 1920-1950 orthographiaient bien : serions-nous plus cons qu’eux ?