On nous en a rebattu les coins de la Toile : Jean Topart, hélas, nous a quittés, nécrologie, regrets, quelle voix, ce sont les meilleurs qui s’en vont (sans oublier ceux qui le font par souci de ne pas trop se faire tondre).
Eh oui, Jean Topart, l’inquiétant toubib de « Poulet au Vinaigre« , etc etc. On le regrettera, eh oui, lui ne figurait pourtant pas dans la liste des Personnalités Préférées des Français, cette mascarade débile (cette année ce serait Omar Sy, paraît-il, l’inamovible Noah a craqué, je vous dis pas le séisme, c’est terrible !). Mais il en est un à qui je voulais adresser ce billet, et qui ma foi est mort tout discrètement, sans bruit, à peine un léger entrefilet ici ou là. J’ai nommé Paul Crauchet.
Je n’ai pas rencontré personnellement Paul Crauchet, je l’ai vu pour la première fois au cinéma dans un film estimable et frais, mais introuvable, hélas, aujourd’hui, dérangeante fiction post-soixante-huitarde passée à la moulinette de l’usure du temps. C’était « Bof, ou l’anatomie d’un livreur« , du dénommé Claude Faraldo, qui commit ensuite deux ou trois autres futurs films oubliés, tel « Themroc« , où Michel Piccoli, rien que ça, faisait du cannibalisme sur une dépouille de CRS… voyez le genre !
Bref… dans « Bof etc etc …« , que je trouvai épatant, Paul Crauchet, récent retraité ayant marié son fiston puis affectueusement euthanasié son épouse pour lui éviter une vieillesse morne et pénible, vient habiter ensuite chez ledit fiston (livreur de boissons chez Nicolas ou similaire) dont la jeune épouse n’est autre que la lumineuse Marie Dubois, on ne se refusait rien à l’époque ! et lui demande gentiment si, « de temps en temps, entre amis », il ne pourrait pas, si elle est d’accord, avoir, avec la copine en question, etc etc… vous voyez le topo ? : scénario impensable aujourd’hui, vous imaginez le scandale ? et je vous fais grâce de la scène où le livreur termine son repas face à sa compagne, laquelle lui demande « tu veux du dessert ? » : réponse vigoureusement affirmative, soupir complice de la copine (encore! gros gourmand !) qui monte sur une chaise et relève sa robe… fondu au noir…
Pour la petite histoire, je rencontrai Faraldo, le metteur en scène, un soir du début des années 70 à Lyon : il venait présenter ce même film, si je me souviens bien… ciné-club, donc… il y eut une chaude discussion post-projection, au cours de laquelle nous échangeâmes sur les thèmes du film, y compris le dessert. Mais passons.
J’aimais bien et j’estimais Crauchet l’acteur, son flegme, sa voix, sa dégaine ; il n’avait pas un registre très large, mais un jeu sobre et de la présence, dans « L’armée des ombres« , dans moult films de Sautet, dans « Dernier domicile connu« , « Les granges brûlées« , etc etc : plein de bons trucs. Pas de chance, départ inaperçu, il est « passé » quasi en même temps que Topart, qui lui a fait de l’ombre. Je lui donne ici un coup de projecteur, il le mérite, et un grand coup de chapeau.
Tibert