Nouveau Vieux

J’ai eu l’occasion il y a quelques jours de déboucher innocemment une bonne bouteille, un Beaujolais Nouveau apporté par une jeune femme célibataire assez désargentée invitée à déjeuner. Avec sa permission, on l’avait mis de côté pour une autre fois : mon  pinard à moi était déjà sur la table, assorti au plat qui allait avec… et donc débouchant plus tard le flacon et le tâtant, je lui ai trouvé d’abord un copieux dépôt noirâtre sur les parois, et puis une robe tirant sur le brun-rouge clair… totalement inhabituelle, bizarre… un nez curieux, jamais reniflé. Un OONI, Objet Oenologique Non Identifié. En bouche et bien frais c’était buvable – le Beaujolais Nouveau tient en principe le coup jusqu’en Janvier mais il urge de le boire – mais quelle drôle de mixture, sorte de coquetel de fruits rouges plat et raide. Intrigué, j’ai étudié l’étiquette de plus près : « Beaujolais-Villages« , « Primeur« , « Mis en bouteille à la propriété à Lantignié » dans le 6-9 (jusqu’ici tout va bien) et millésimé, bien entendu… le millésime ? stupeur et tout le tremblement :  ce n’était pas du 2016, mais du 2003 !! l’année de la canicule. Un Beaujolais Nouveau de treize ans d’âge !

La jeune femme, à l’évidence, n’a pas de cave à elle : elle ne boit pas. Donc elle l’a acheté récemment – sauf à avoir dévalisé un cellier mal tenu, ce qui n’est pas du tout du tout dans ses cordes…. comment peut-on trouver en France dans le commerce des bouteilles de Beaujolais Nouveau de treize ans d’âge ? sans doute des lots d’invendus de faillites louches oubliés dix ans dans un hangar en tôle, rachetés en bloc par un escroc pour quelques kopeks et mis en boutiques genre « La guitoune aux Zoccazes » pour une ou deux thunes. Deux balles, qu’est-ce qu’on risque ?

Voilààà… c’est une expérience, tout de même, ce Primeur 2003. Et puis ça me permet de parler d’aut’chose, de ne pas vous causer de la Primeur, pardon la Primaire de la Gauche, parce que là y en a marre. C’est qu’on en entend des wagons de phrases creuses et se voulant ronflantes – Valls fait très fort en ce moment dans les extraits de discours de sous-préfectures -, des exposés de programmes tous pareils à cinquante nuances de rose près, qui ne seront jamais appliqués – et heureusement.

Monsieur Valls, toujours lui, rentrait (*) dans le lard de monsieur Fillon, hier : « un projet des années 80« , disait-il à propos du candidat officiel de la Droite-et-du-Centre : encore plus âgé que le rouge 2003 à deux balles, vous imaginez le désastre. En y ajoutant une grosse calomnie bien laide sur ce programme, qualifié de « projet catholique« , et que ledit Fillon revendiquerait explicitement comme tel : horreur et putréfaction. Enchaînement lyrique ensuite sur le couplet républicain, « Les religions c’est respectable je les respecte bien entendu mais la religion c’est privé gnagnagna« … Manu fait là dans la très grosse ficelle – mais c’est de bonne guerre, me direz-vous, et vous avez sans doute raison.

Tibert

(*) Donc il  en était sorti auparavant, sans doute ; en principe la première fois on « entre », les fois d’après on « rentre », voire – si si ça s’est rencontré – on « rerentre ». Il lui a rerentré dans le lard… c’est beau le français.